Chloé REBILLARD

Abaissement de la vitesse de 90 à 80 km/h, une mesure efficace ?

Le gouvernement français a annoncé l’abaissement des limitations de vitesse de 90 à 80 km/h sur les routes secondaires dans le but de lutter contre la mortalité sur les routes. Mais cette mesure est-elle efficace ? 

Le gouvernement français a annoncé l’abaissement des limitations de vitesse de 90 à 80 km/h sur les routes secondaires. ©Gaizka Iroz
Le gouvernement français a annoncé l’abaissement des limitations de vitesse de 90 à 80 km/h sur les routes secondaires. ©Gaizka Iroz

"Si je tombe d’un immeuble, je préfère tomber du deuxième étage plutôt que du troisième". Jean-Marc Landarretxe, gérant de l’auto-école Mendiboure à Bayonne, a le sens de la métaphore. Pour lui, pas question d’avoir une position tranchée sur la mesure gouvernementale, mais il veut apporter des éléments techniques au débat. Et dans sa pratique quotidienne de la route, il n’a pu que le constater : moins on roule vite, moins graves sont les accidents. "Lors d’un accident, avant le choc, les conducteurs ont eu le temps de freiner. Ce qui fait la gravité d’un accident, c’est la vitesse résiduelle, celle à laquelle vous roulez au moment du choc. Or, entre rouler à 90 ou à 80 km/h, la vitesse lors du choc peut être réduite du double au simple." 

Plusieurs facteurs expliquent cet état de fait, dont la distance de freinage : plus elle est réduite, moins vite vous arriverez sur l’obstacle susceptible de provoquer un accident. Et avec 10km/h de moins, la distance de freinage se réduit de 15 mètres. Autant d’éléments qui font que J-M Landarretxe se rangerait plutôt du côté des défenseurs de la mesure, même s’il comprend qu’elle soit impopulaire et ait du mal à passer auprès des automobilistes. "Je suis le premier à me dire que je vais mettre un peu plus de temps, mais il ne faut pas exagérer, toutes les études montrent que cette nouvelle limitation ne fait pas perdre beaucoup de temps."    

Max Brisson, sénateur des Pyrénées-Atlantiques, lui, s’interroge : il y a un mois de cela, il a envoyé une lettre avec 51 de ses collègues sénateurs au gouvernement. Son objet ? Demander les résultats de plusieurs expérimentations sur des tronçons de route où la vitesse a été abaissée de 90 à 80 km/h depuis deux ans. 

"Je n’ai pas de position de principe sur cette mesure, affirme le sénateur, mais je considère qu’aujourd’hui je n’ai pas tous les éléments en main pour juger de son efficacité." Et d’ajouter : "si le gouvernement ne diffuse pas les résultats de l’expérimentation, c’est peut-être qu’ils ne sont pas probants pour aller dans le sens d’un abaissement de la vitesse." A ce jour, la missive est restée sans réponse. 

Et sur les routes basques ? 

L’objectif affiché par le premier ministre Edouard Philippe est de réduire le nombre de morts sur les routes. Il s’appuie pour cela sur les chiffres nationaux selon lesquels les deux tiers des accidents se produisent sur les routes nationales et départementales. 

Au Pays Basque Nord, la majorité des accidents mortels des deux dernières années ont eu lieu en agglomération, là où la vitesse est limitée à 50 km/h : entre 2016 et 2017, 29 personnes ont perdu la vie sur les routes basques. Parmi elles, 13 sont décédées hors-agglomération, c’est un peu moins de la moitié. La route qui concentre le plus d’accidents mortels est "la route de la côte", la D810 qui relie Bayonne à Hendaye.

Si ce n’est pas sur les axes à 90 km/h que ces deux dernières années les routes ont vu le plus de décès au Pays Basque Nord, Jean-Marc Landarretxe estime que c’est néanmoins là que le conducteur prend le plus de risques : "où d’autre dans votre vie quotidienne vous prenez autant de risques que lorsque vous roulez à 90km/h en croisant un autre véhicule, qui lui aussi roule à 90 km/h, le tout à moins d’un mètre de distance ? Je suis convaincu que dans 50 ans, les générations futures penseront qu’on était complètement fou de permettre ça."

Depuis le début de la mise en place de mesures contre l’accidentologie dans les années 1970, chaque mesure a porté ses fruits et a permis de réduire le nombre d’accidents mortels à des degrés divers. La palme revenant à la mise en place de la ceinture de sécurité obligatoire qui avait réduit la mortalité sur les routes de 30%. Néanmoins, face à une nouvelle politique de sanction des automobilistes, certaines voix s’élèvent pour plaider pour plus d’éducation des automobilistes, dans une voie privilégiant la prévention à la sanction.