Caroline MALCZUK

Grossesse et alcool : prévenir quand il est difficile de guérir

En France, les autorités recommandent l’abstinence totale aux femmes enceinte. Un message qui veut prévenir bien qu’il puisse paraître un brin culpabilisant. Au Centre hospitalier de Bayonne, un dispositif d'accueil spécifique existe pour accompagner les futures mères en proie à une addiction.

Du 4 au 8 septembre, une campagne de sensibilisation est organisée au Centre hospitalier de la côte basque. ©Isabelle MIQUELESTORENA
Du 4 au 8 septembre, une campagne de sensibilisation est organisée au Centre hospitalier de la côte basque. ©Isabelle MIQUELESTORENA

Dans l’Etat français, les troubles causés par la consommations d’alcool pendant la grossesse toucheraient un nourrisson sur cent. Face à ce problème de santé publique, la recommandation des autorités sanitaires est claire comme l’eau : l’alcool, c’est zéro. Une journée mondiale pour sensibiliser au syndrome de l’alcoolisation foetale a lieu chaque 9 septembre. Et veut informer sur ces risques parfois sous estimés. Au Centre hospitalier de la Côte basque, un stand d’information et une exposition ont été installés au service maternité toute la semaine.

Sabine Burel, sage-femme addictologue, explique : "On sait que l’alcool est neuro-toxique et peut entraîner une malformation au niveau du système nerveux central du bébé. En France, contrairement à certains pays étrangers, on a opté pour la recommandation qu’on sait sans risques." En Angleterre, par exemple, le ministère de la santé prône l’abstinence totale pendant le premier trimestre puis recommande aux futures mamans de ne pas dépasser deux verres par semaine le reste de la grossesse, révélait le magazine Parents, en juillet dernier.

Une étude parue dans l’International Journal of Obstetrics & Gynaecology cet été indique que la consommation d’alcool pendant la grossesse n’aurait pas d’impact sur le développement de l’enfant. Celle-ci a été notamment menée par Yvonne Kelly, chercheuse à l’université de Londres, qui, déjà en 2013, publiait une étude sur le sujet. Elle affirmait alors qu’il n’y aurait pas de lien de causalité entre les faibles niveaux de consommation d’alcool pendant la grossesse et l’apparition de problèmes comportementaux et cognitifs chez l’enfant jusqu’à 7 ans.

Mais cette étude est loin d’être approuvée par toute la profession. Sur le fond et la façon dont elle a été menée. Pour Sabine Burel, le principe de précaution est de mise lorsque toute consommation représente un risque. "Elle boit un peu, il boit beaucoup. C’est une question de rapport poids/taille. Le foi de l’enfant est immature, il va éliminer plus lentement." Mais aussi car les conséquences, "on s’en aperçoit toujours trop tard". Les troubles neuro-cognitifs ne peuvent être détectés chez l’enfant qu’à partir du moment où il est "en apprentissage". Dans l’idéal, la sage-femme recommande aux femmes de "stopper toute consommation dès lors où un projet de naissance se prépare".

Un dispositif d’accueil spécifique 



Au Centre hospitalier de Bayonne, un dispositif d’accueil spécifique a été développé pour prendre en charge les femmes enceintes en proie à une addiction. Avec un double objectif : informer et accompagner, sans juger. Les femmes qui s’y présentent sont encadrées par une équipe pluridisciplinaire formée en addictologie. Médecin obstétricien, psychologue, psychiatre, échographe, sage-femme… "L’ancienne Aquitaine est une région pilote pour travailler sur la prévention, la prise en charge" de l’alcoolisation prénatale, ajoute Sabine Burel.



Un plan d’actions sur trois ans a été déployé en ex-Aquitaine depuis 2016. Le programme "prévention de l’alcoolisation foetale et prise en charge de ses conséquences" est soutenu par l’Agence régionale de santé Nouvelle-Aquitaine, la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MIDECA), Santé Publique France et le futur réseau périnatal de la Nouvelle-Aquitaine. Son but est, à terme, de "réduire l’incidence et les conséquences des troubles liés à l’alcoolisation prénatale au sein de la population aquitaine". Il s’appuie pour cela sur le Centre ressources alcool et grossesse (CRAG) géré par l’association Agir 33 Aquitaine.



Depuis 2004, une loi oblige à mettre sur chaque bouteille de boisson alcoolisée un pictogramme ou un message indiquant "la consommation de boissons alcoolisées durant la grossesse même en faible quantité peux avoir des conséquences graves pour la santé de l’enfant". Mais pour le CRAG, ces indications restent "peu visibles" sur la majorité des boissons concernées. Le centre met en aussi alerte les autorités sanitaires et administratives contre le lobbying de certains alcooliers qui voudraient les voir supprimer.