Béatrice MOLLE-HARAN

Derrière la carte postale

L ’annonce de plusieurs manifestations en Pays Basque Sud organisées par Ernai, mouvement de jeunes (Gauche abertzale) contre la saturation de lieux touristiques a déclenché un débat sur le tourisme et ses conséquences.

Débat qui a suscité des réactions politiques intéressées et visant à faire passer les jeunes d’Ernai pour des personnes manquant d’esprit d’ouverture et de tolérance.Le mouvement de jeunes a dû rappeler que leurs manifestations ne visaient pas le tourisme ou les touristes, mais bien le degré de saturation que connaissent déjà des villes telles que Barcelone, Venise, Berlin ou Palma de Majorque. Dans cette ville des Baléares le gouvernement autonome vient de fixer un quota annuel de visiteurs (623 000) et les plateformes de location qui ne respecteraient pas la loi seront passibles d’amendes pouvant aller jusqu’à 400 000 euros.

Au Pays Basque Sud aussi une loi votée en juin 2016 est en vigueur mais son application tarde. Il est à noter que le responsable du tourisme au sein du Gouvernement basque est un socialiste du PSE parti qui lors du vote au Parlement Basque de cette loi de régulation avait émis de nombreuses réserves, le PP (Parti populaire) quant à lui s’était abstenu. Ce manque de volonté politique est illustré à Donostia. Les habitants du vieux quartier sont excédés et selon l’ex maire de cette ville Odon Elorza, les personnes aux revenus modestes n’ont plus les moyens de résider dans ces lieux désormais envahis par la prolifération de locations meublées pour touristes. Et les prix de l’immobilier flambent entraînant ainsi un esprit de surenchère parmi les locaux. “Derrière la carte postale, nous existons”, c’est un des slogans des jeunes d’Ernai résumant toute la problématique de la saturation touristique. Et la demande prégnante de régulation.

Le discours est à manier avec prudence car les congés payés acquis de haute lutte en 1936 sont une avancée majeure pour les salariés. Il serait donc dangereux de responsabiliser le tourisme de masse de tous les maux. Ou alors à revenir au début du siècle dernier où seule une minorité de privilégiés avaient accès à la découverte du monde. D’autant que le problème est qu’aujourd’hui dans l’Etat français, seul 50% des citoyens partent en vacances, découvrir d’autres contrées.

La saturation touristique dans un territoire n’est pas source d’épanouissement professionnel à long terme pour les jeunes qui travaillent dans cette industrie. Car si le tourisme représente une part importante du PIB, il ne peut en aucun cas devenir l’activité centrale d’un territoire. A trop se vendre que reste-t-il de l’identité que recherchent précisèment les touristes ?

Des expériences novatrices de régulation existent en Europe : en Corse dans les îles Sanguinaires ou sur la Riviera en Italie. Sur notre territoire, le Château d’Abbadia se découvre à pied. Imaginons un instant cette route somptueuse de la Corniche dévolue aux promoteurs ou autres activités mercantiles. Le Conservatoire du littoral avait acquis en 1979, 90 hectares et Antoine d'Abbadie (1810-1897) a légué son château observatoire à l'Académie des Sciences. Entre volonté politique et responsabilité individuelle des solutions existent pour lutter contre la saturation touristique.

Honi buruzko guztia: edito