Propos recueillis par Justine Giraudel
Elkarrizketa
Jean-René Etchegaray
Maire de Bayonne

"Il s'agit clairement d'une sorte d'apologie contre l'avortement"

Alerté par des habitants, le maire de Bayonne s'est rendu dans la cathédrale Sainte-Marie de Bayonne pour y voir la vidéo projetée en boucle, La Source de la Miséricorde. Des images choquantes, qui lui semblent hors-contexte d'un lieu de culte qui est aussi aussi lieu de culture, et pour lesquelles il souhaite rencontrer Monseigneur Aillet.

La Source de la Miséricorde est l'oeuvre de Lukasz Murzyn. © Isabelle Miquelestorena
La Source de la Miséricorde est l'oeuvre de Lukasz Murzyn. © Isabelle Miquelestorena

Quelle a été votre réaction après avoir vu la vidéo présentée dans la cathédrale Sainte-Marie ?

Jean-René Etchegaray: J'ai vu cette vidéo mercredi et j'ai été particulièrement choqué. Il s'agit d'une sorte d'apologie contre l'avortement, très clairement. Le vicaire dit qu'il ne faut pas le voir comme cela, mais si. On y voit une série d'images comme un nouveau-né emmailloté, le ventre d'une mère avec les battements de coeur de l'enfant, le sein de cette femme qui pleure, si on puit dire… Ce sont des images insoutenables qui m'ont interpellé et interrogé.

Je suis allé la voir suite à l'alerte d'un certain nombre de paroissiens et de citoyens m'ayant fait part de leur étonnement. Je dis paroissiens et citoyens car il existe deux raisons pour lesquelles on entre dans une cathédrale. Le lieu de culte, parce qu'on a la foi, mais aussi le lieu de culture pour aller visiter l'architecte de ce monument historique, classé patrimoine mondial de l'Unesco.

On me dit "on est dans le cadre de l'année de la Miséricorde". Oui j'ai compris. Mais enfin, il y a d'autres lectures de cette Miséricorde ! On peut en appeler à elle sans pour autant montrer ces chaînes, ces clous, ces cordes. On va me dire que c'est la corde qui a permis de hisser le Christ, que les clous sont aussi ceux du Christ… Mais la symbolique… Je considère que c'est un acte politique, pas simplement un acte religieux, et cela me heurte. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé un rendez-vous à l'évêque.

Dans sa défense, l'abbé Landart part de l'idée communément admise que les œuvres d'art sont libres d'interprétation. Quelles limites posez-vous dans votre ville aux œuvres d'art ? Pensez-vous qu'elles aient été dépassées avec la projection de la Source de la Miséricorde ?

J-R. E.: Je ne remets pas en cause la liberté de l'artiste, de l'oeuvre, ni l'esthétique qu'on pourrait y trouver. Je m'interroge sur le fait que ces images soient diffusées dans un lieu ouvert au public et pas seulement aux paroissiens. La Miséricorde de Dieu peut parler à ceux qui ont la foi, mais peut ne pas parler aux autres. Par contre, ces images vont être vues par tous, enfant y compris. Sans culture religieuse, que retenez-vous ?

Je remets en cause le fait que sur un lieu public, de passage, on puisse sciemment avoir émis cette vidéo. On ne peut pas l'avoir fait comme ça, gratuitement. Encore une fois, je ne conteste pas l'art et suis très attaché à toutes les formes d'expression. Ce n'est pas ça qui est en cause ici. Il y a un message, qui n'est pas tant dans les images mais dans le fait qu'elles soient là, et nulle part ailleurs.

Là, dans la cathédrale de Bayonne, au-dessus des fonts baptismaux ?

J-R. E.: Oui.

Réagissez-vous en tant que personne ou en tant que maire ?

J-R. E.: C'est une vision personnelle, de catholique pratiquant. Mais c'est aussi une réaction en tant qu'élu. Dans la ville de Bayonne, au nom de la séparation des pouvoirs spirituel et temporel, je n'ai pas à donner d'ordre ou à considérer que quelque chose doit être interdit ou non dans les lieux de culte. Par contre, j'ai la possibilité de m'interroger. Et comme je le disais, nous sommes aussi dans un monument touristique qui peut être visité, surtout en période de vacances scolaires.

Le pire, c'est que je fréquente la cathédrale. Il paraît que cette vidéo est projetée depuis Noël, mais je ne le savais pas, je ne l'avais pas vu. Et les paroissiens ne m'en parlent que depuis une quinzaine de jours.

Ne craignez-vous pas d'apparaître comme un censeur ?

J-R. E.: Non. Je veux juste faire part de mon sentiment à Monseigneur l'évêque. Je souhaite le rencontrer pour m'interroger avec lui, sans lui adresser de leçon. J'ai besoin de comprendre. A ce stade je peux comprendre l'art, mais je ne comprends pas l'utilisation de l'art par l'abbé.