Arantxa Manterola

Le procureur reconnaît des défaillances, lors d'une audience qui n'éclaircit pas l'affaire Anza

Comme les avocats de la famille, le procureur reconnaît (avec certaines nuances) des "irrégularités" dans l'enquête sur l'affaire Jon Anza. L'avocat général les estime "bénignes". L'affaire a été mise en délibéré au 13 mai.

Au même moment, un rassemblement a eu lieu sur le Boulevard à Donosti. © Argazki Press
Au même moment, un rassemblement a eu lieu sur le Boulevard à Donosti. © Argazki Press

Le Tribunal de grande instance de Paris examinait hier le recours en responsabilité civile introduit par la famille de Jon Anza contre l’État français, au vu de ce qu'elle considère comme de graves irrégularités commises par la Justice et la Police, dans l'enquête sur la disparition du militant basque.

L'audience a duré plus longtemps que prévu, en présence de proches, d'amis et de représentants de Sortu. Tous portaient un tee-shirt orange avec la photo d'Anza où était inscrite la question "Non da Jon ?" (où est Jon ?) répétée depuis sa disparition en avril 2009. L'avocate de la famille, Maritxu Paulus-Basurko, a indiqué que les trois magistrats qui composaient le tribunal ont écouté les plaidoiries "avec une très grande attention et un grand respect".

Les premiers à s'exprimer furent les avocats Julien Brel et Maritxu Paulus-Basurko. Tous deux ont rappelé le cadre dans lequel le recours en responsabilité a été introduit contre l’État, et passé en revue les nombreuses failles et omissions dans l'enquête sur la disparition du militant, commises par la police judiciaire de Bayonne et le procureur de Toulouse. Ils ont conclu en réaffirmant la demande de condamnation de l’État pour "fautes graves" et ont requis une indemnisation pour les dommages et préjudices causés.

Bénins pour l'Etat

Dans la foulée, l'avocate de l'Etat a pris la parole, "de manière plutôt confuse et en s'appuyant sur des arguments fragiles" selon les personnes présentes. Elle a minimisé les irrégularités relevées en introduction par les avocats de la famille, et conclu que, dans tous les cas, "elle n'étaient pas graves".

En sa qualité de défeseur de l'intérêt public, la procureure était la troisième partie à intervenir. Selon lui, l'enquête de Bayonne fut correctement menée. Cependant, il a constaté plusieurs irrégularités de la part de la procureure sur celles de Toulouse : il se contenta d'ordonner l'enquête par fax à la police – quand la procédure prévoit une confirmation écrite – qu'il ne relança pas après le délai d'un mois établi. Le procureur parisien a aussi relevé une irrégularité de la part du commissariat de la capitale occitane pour ne pas avoir entrepris d'enquête.

Pour lui, toutes ces défaillances sont "mineures", mais leur cumul pourrait correspondre à une "faute grave". Cependant, au cas où l’État serait déclaré coupable, il estime que l'indemnisation sollicitée devrait être revue à la baisse au vu du "mode de vie" du militant d'ETA, qui aurait compliqué sa recherche et son identification. Il a signalé, par exemple, le fait qu'il ne possèdait pas de téléphone portable et qu'il n'utilisait pas de carte bancaire pour ses paiements. Il a indiqué que cela représenta un autre obstacle pour le trouver. Le Tribunal fera connaître sa décision le 13 mai. 

Un moment important pour la famille

L'avocate Paulus-Basurco a souligné l'importance de cette audience pour les proches de Jon Anza. "C'est la première fois en six ans que la famille a eu l'opportunité que soit examinée cette disparition et les déficiences de l'enquête qui a suivi dans le cadre d'une audience de tribunal, bien que ce soit une juridiction civile. Je crois sincèrement que fut un moment très très important pour eux."

Lors d'une conférence de presse [cf MEDIABASK] l'avocate et la famille avait insisté sur le fait que cette requête contre l’État français poursuit l'objectif de "condamner l’État pour les dysfonctionnements intervenus dans l'enquête", ce qui supposerait une forme de "reconnaissance" de sa responsabilité. Néanmoins, ils avaient ajouté que "l'objectif premier" restait de connaître réellement les faits qui s'étaient déroulés et les raisons pour lesquelles Jon Anza ne fut pas identifié alors qu'il était encore vivant, ni dix mois après son décès.

Traduit de GARA