Béatrice MOLLE HARAN

25 années de dispersion

C’est en 1989 que s’est mise en place la politique de dispersion pour les prisonniers basques. Cette politique fut annoncée publiquement par le ministre de la justice socialiste Enrique Mugica Herzog. Avec l’accord du lehendakari de l’époque José Antonio Ardanza (PNB) qui était à l’époque à la tête du gouvernement de Gasteiz, en coalition avec le PSE (Parti socialiste d’Euskadi). Aujourd’hui, cette politique persiste pour les 465 prisonniers basques répartis dans 76 prisons.


Parents de prisonniers basques pendant une mobilisation.. (ARGAZKI PRESS)
Parents de prisonniers basques pendant une mobilisation.. (ARGAZKI PRESS)

Ce 10 janvier prochain, la plateforme Sare appelle à manifester dans les rues de Bilbo en faveur des droits des prisonniers basques. Manifestation silencieuse et sans pancarte. La clameur sera dans les coeurs. Le thème de la manifestation sera Euskal Presoak Euskal Herrira (Les prisonniers à Euskal Herria, ahora, now, maintenant, orain !). Pour Sare, il est désormais urgent que cesse cette politique de dispersion qui représente « une double peine » pour les familles obligées de faire des milliers de kilomètres, souvent au péril de leur vie. De fait, 16 personnes sont mortes sur les routes depuis la mise en place de cette politique de dispersion.

 Condamnation du Parlement Européen

La politique de dispersion du gouvernement espagnol appliquée aux prisonniers basques a été condamnée par le Parlement Européen le 19 janvier 1996. Lors de ce vote, le PSOE et le PP avaient voté contre cette condamnation. Amnesty International demandera en 1999 la fin de la dispersion, comme dernièrement le Parlement Basque de Gasteiz qui s’est prononcé dans ce sens (PNB et Bildu) avec les votes contre du PSE, PP et UPyD. L’argument juridique mis en avant par  les tenants de la fin de la dispersion est que la propre constitution espagnole stipule que tout prisonnier a le droit de purger sa peine près de sa famille et de son environnement social afin de faciliter ses possibilités de réinsertion à sa sortie. Un principe rappelé par le Tribunal Européen des Droits Humains et par le chargé de la question de la torture aux Nations-Unies, Theo Van Boven, qui déclarera que la dispersion n’a pas de base juridique et s’applique de manière arbitraire. Pour Theo Van Boven, la dispersion ne permet pas aux détenus de préparer leur défense, leur avocat et famille étant éloignés, ce qui occasionne d’énormes frais et de fait constitue une discrimination. Ce que confirme le collectif Etxerat, composé de familles et d’amis des prisonniers basques : « Nous sommes punis uniquement car nous sommes les familles de prisonniers. Une punition aux nombreuses conséquences : physiques, psychologiques, sociales et familiales. Sans oublier les sommes astronomiques dépensées lors de nos déplacements qui nous font parcourir en moyenne 1500 km par semaine. » A noter aussi qu’un Livre de la Dispersion a été édité à 500 000 exemplaires. Rédigé en basque, espagnol, français et anglais, il sera distribué dans le monde entier.

 

Chiffres

456 prisonniers dans 76 prisons

356 prisonniers dans 44 prisons de l’Etat espagnol

98 prisonniers dans 28 prisons de l’Etat français

3 prisonniers basques dans 3 prisons d’Euskal Herri

1 prisonnier en Angleterre

1 prisonnier au Portugal

1 prisonnier en Allemagne

6 prisonniers en régime aménagé : prisonniers à leur domicile avec de strictes mesures de sécurité en raison de la grave maladie dont ils souffrent.