Ainhoa AIZPURU

Mercosur : un accord qui dérange

Alors qu'Emmanuel Macron se félicitait la semaine dernière de la signature d’un accord historique entre l’Union européenne et les pays du Mercosur, l’opposition se mobilisait pour le dénoncer. La majorité est elle aussi divisée sur ce traité que certains jugent “dangereux” pour les agriculteurs et pour la planète.

L’accord prévoit d’abaisser les droits de douane entre l’UE et les quatre pays du Mercosur.
L’accord prévoit d’abaisser les droits de douane entre l’UE et les quatre pays du Mercosur.

Les membres du gouvernement français ont été assaillis de questions, ce jeudi 4 juillet au Sénat, par de nombreux élus qui ont manifesté leur désaccord au traité de libre-échange conclu une semaine plus tôt entre l’Union européenne (UE) et le Mercosur. Au Pays Basque, le sénateur des Pyrénées-Atlantiques Max Brisson a fermement choisi son camp en dénonçant "un mauvais accord" pour l’environnement et la planète, qui signerait par ailleurs "un nouveau plan social pour nos agriculteurs, en particulier dans les Pyrénées-Atlantiques".

Brisson n’a pas hésité à dérouler son argumentaire par le biais des réseaux sociaux. Une chose est sûre, comme un nombre non négligeable de ses collègues, le parlementaire basque s’inquiète des conséquences de l’accord commercial signé entre la commission européenne et le Mercosur qui regroupe le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay et le Paraguay.

Dans la ligne de mire de ses opposants : la concurrence déloyale dont risquent de souffrir les agriculteurs européens. Ces derniers fustigent les quelques 99 000 tonnes de viande bovine que les pays latino-américains devraient pouvoir exporter vers l’UE sans droit de douane. Dans un tweet, Christiane Lambert, la présidente de la FNSEA, a exprimé sa colère : "Quelques semaines après l'élection européenne, inacceptable signature d'un accord Mercosur-UE qui va exposer les agriculteurs européens à une concurrence déloyale et les consommateurs à une tromperie totale !".

Un avis largement partagé par le sénateur des Pyrénées-Atlantiques qui s’inquiète pour les éleveurs bovins qui "ne pourront résister à l’arrivée sur le marché européen de 99 000 tonnes de viande bovine à bas coût" mais aussi pour la filière volaille qui "ne pourra s’en sortir alors que 43 % des poulets déjà consommés en France sont importés et que cet accord prévoit l’entrée de 180 000 tonnes supplémentaires". Pour lui, le message à faire passer est clair : "On ne peut faire sauter les dernières barrières pour nos éleveurs alors qu’il y a seulement quelques semaines les Européens ont très largement exprimé leur besoin de protection".

"Une aberration écologique et politique"

Sur la question environnementale, certaines voix n’hésitent pas à parler "d’aberration pour la santé de nos concitoyens" et "d’aberration écologique et politique" à l’image du sénateur socialiste Claude Bérit-Débat (Dordogne). De son côté, Brisson rappelle que les produits agricoles qui arriveront sur le marché auront été produits avec des substances qui sont aujourd’hui interdites sur l’Hexagone. Rien qu’au Brésil, 74 % des produits phytosanitaires utilisés seraient prohibés en Europe. De quoi inquiéter le syndicat Jeunes Agriculteurs (JA) qui s’interroge : "A quoi bon demander en France et en Europe une montée en gamme en termes de qualité et de respect de l’environnement si c’est pour importer des produits contraires à cet effort ?".

Les opposants à l’accord s’alarment de plus des dégâts pour la planète. Dans un texte publié mi-juin, 340 ONG pointaient le Brésil du doigt. "Le gouvernement [de Jair Bolsonaro] continue de menacer le fonctionnement démocratique fondamental de la société civile tout en lançant une attaque sérieuse contre certaines des régions les plus inestimables de la planète sur le plan écologique" dénonçaient-elles. Or, cet accord avec l’UE ne ferait selon elles qu’accroître la déforestation et l’accaparement des terres.

De longues heures de débats et de mobilisations sont d'ores et déjà attendues. Or, du temps il y en aura, puisque l’accord de libre-échange est encore loin d’être appliqué. Le texte doit d’abord être soumis à l’approbation des états membres dans le cadre du conseil de l’Union européenne, puis voté par le Parlement européen et par les 28 Parlements nationaux. Enfin, les quatre pays d’Amérique du Sud doivent le ratifier.