Antton ETXEBERRI et Goizeder TABERNA

La cour d’appel ordonne la mise en liberté de Josu Urrutikoetxea

VIDEO - La cour d’appel de Paris a décidé la mise en liberté sous contrôle judiciaire du militant indépendantiste basque, ce mercredi 19 juin.

Josu Urrutikoetxea devrait sortir de la prison de la Santé aujourd'hui. © Gari Garaialde
Josu Urrutikoetxea devrait sortir de la prison de la Santé aujourd'hui. © Gari Garaialde

Le procès a suscité de l’intérêt. Près de 20 journalistes, basques, français et espagnols, ont suivi l’audience de Josu Urrutikoetxea ce mercredi, à la cour d’appel de Paris. Alors que l’avocat général a demandé son maintien en détention, la cour a décidé sa liberté sous contrôle judiciaire. Incarcéré depuis son arrestation à Sallanches le 16 mai dernier, Urrutikoetxea devrait recouvrer la liberté avant la fin de la journée.

Le militant basque avait fait appel de la décision d’incarcération du juge de la détention et des libertés après son interpellation. A présent, il devra se présenter une fois par semaine dans un commissariat parisien et a l'interdiction de quitter le territoire français. Ancien magistrat engagé dans la justice transitionnelle et ancien conseiller du président François Mitterrand, Louis Joinet s’était dit prêt à loger Josu Urrutikoetxea. Une garantie qui a pu peser dans la décision des juges.

Celui de Louis Joinet n’est pas le seul soutien qu’il a reçu. Plusieurs personnalités ont écrit des tribunes dans la presse et une pétition a recueilli plus de 5 000 signatures sur Internet. "Tous les soutiens qu'il a reçus l'oblige à ne pas s'enfuir. Nous avons le droit avec nous, et les garanties de représentation. Pourquoi le tribunal resterait obtus à cela ?", a demandé son avocate Me Laure Heinich, lors de sa plaidoirie.

Un argument qui n’a pas convaincu l’avocat général. Il est revenu sur le parcours du militant dans l’organisation ETA et ses trois condamnations dans l’Etat français pour défendre sa position. "Le détenu était en fuite depuis plus de dix ans, dans une clandestinité certaine. C'est un dirigeant historique d'ETA qui a rejoint le groupe en 1970", a-t-il rappelé avant d’ajouter, "il est aussi un de ceux qui ont engagé par la suite des pourparlers avec les autorités espagnoles". Après avoir fait une brève histoire d'ETA, il a indiqué que "toutes les armes n'ont pas encore été rendues", générant la stupéfaction dans la salle.

"L'avocat général souhaite remuer des peurs qui n'ont pas lieu d'être. Personne ne vous demande d'être conciliante, modérée ou futuriste. Nous vous demandons de respecter les règles juridiques. On a des garanties de représentation exceptionnelles" a rétorqué Me Heinich. Son confrère, Maître Pasquet-Marinacce présente leur client comme quelqu’un qui a œuvré pour la paix ces 30 dernières années. "Urrutikoetxea a pris part à toutes les discussions depuis la fin des années 80 pour trouver une issue pacifique au conflit. Il a eu une place active et centrale à Alger, Genève et à Oslo", a-t-il égrené. Puis, Me Heinich interpelle la cour : "Pourquoi on vient le chercher pour négocier ? Pourquoi on demande que ce soit lui qui lise la déclaration finale d'ETA ? Parce que sa parole est crue, parce que quand il s'exprime, on sait que les choses qui sortiront de sa bouche seront respectées".

"Il n'y a pas d'incompatibilité"

Par ailleurs, le militant basque de 68 ans a des problèmes de santé pour lesquels une opération serait inévitable. "J'étais deux jours avant mon arrestation aux Urgences de Sallanches. Cette semaine-là, j'avais perdu 8 kilos. Mon médecin a dit qu'il fallait opérer au plus tard au bout d'un mois. Le mois est passé" a alerté Josu Urrutikoetxea, à la barre, dans un français parfait. Un argument que le représentant du ministère public a rejeté : "La détention ne serait pas compatible avec son état de santé, selon l'avocat de la défense. Il n'y a pas d'incompatibilité entre sa situation de détenu et son état de santé. Par conséquent, il faut renouveler cette mise en détention". Les juges en ont décidé autrement.

Aujourd’hui, la décision de la cour "n’est pas la victoire de Josu Urrutikoetxea", pour ses avocats, "c’est la victoire de la Justice". Son fils, Egoitz Urrutikoetxea considère pour sa part que la position des magistrats serait une manière de mettre fin au déni du processus basque et de contribuer à l’apaisement au Pays Basque et à la non répétition des faits. "C'est une bonne nouvelle pour la société basque, la société française et c'est une bonne nouvelle également pour la société espagnole", a-t-il conclu.

Présent au procès, l’évêque Jacques Gaillot s’est réjoui de cette décision. Il est engagé en faveur des prisonniers basques depuis de années et aujourd’hui, il a eu une pensée pour eux.

Le 28 juin, Urrutikoetxea devra comparaître devant le tribunal correctionnel pour la seconde procédure qui devait être examinée ce mercredi et deux autres. La présidente de la cour a déjà annoncé que des renvois seront organisés étant donné la lourdeur des dossiers. Elle a annoncé la date du 23 janvier. Josu Urrutikoetxea qui a fait appel de trois décisions de justice prononcées en son absence alors qu’il se trouvait en clandestinité pourra cette fois se défendre.