AINHOA AIZPURU

Le vaudeville du musée Balenciaga devant le tribunal

Douze ans après les faits, le procès de l’ancien maire de Getaria a débuté en raison de nombreuses irrégularités commises à la tête du musée Balenciaga. Le cas a pris une tournure romanesque, avec une intrigue complexe mêlant des dépenses non justifiées, un architecte cubain au diplôme douteux et un musée dont le budget initial a été multiplié par six.

Le musée Balenciaga est situé à Getaria, sur la côte de Biscaye, à environ 25 km à l’ouest de Donostia.
Le musée Balenciaga est situé à Getaria, sur la côte de Biscaye, à environ 25 km à l’ouest de Donostia.

Mardi 9 avril, un tribunal de Donostia a ouvert le procès contre l’ancien maire PNV de Getaria Mariano Camio, pour différents délits liés à sa condition de responsable du musée Balenciaga. Il est le seul accusé présent, car l’architecte cubain Julian Arguilagos, également mis en cause, est introuvable et n’a pas répondu à la citation. Le somptueux décor de ce vaudeville est composé de la maison et des célèbres pièces du couturier Cristobal Balenciaga, natif de Getaria.

Tout commence en 1994, à la création de la Fondation Balenciaga comme support pour la création d’un musée dédié au couturier, installé dans une somptueuse villa de Getaria. En 2001, Mariano Camio, maire de la ville et gérant de la fondation, embauche l’architecte cubain Julian Arguilagos pour la restauration du bâtiment. Le contrat du Cubain est plutôt surprenant, puisque sa rémunération augmente si le coût total des travaux s’avère plus important que prévu.

Sans surprise, le montant initial de 5 millions d’euros explose jusqu’à atteindre les 30 M€ au moment de la finalisation des travaux en 2010. Grâce à son contrat très particulier, Arguilagos voit donc sa rémunération grimper de 500 000 à 1,2 millions d’euros. Or les bâtiments souffrent de nombreux défauts de conception qui obligent à financer des travaux supplémentaires. De plus, il s’avère que le diplôme cubain d’architecte d’Arguilagos n’est pas valable en Europe. Dépité, le Cubain finira par s’échapper à Miami, apparemment sans aucune intention de revenir.

Trois institutions publiques à la tête de la fondation

Par ailleurs, le maire de Getaria est accusé d’avoir utilisé son poste pour s’enrichir et pour avoir favoriser Arguilagos, avec qui il semble avoir entretenu une liaison amoureuse. La fondation finance de nombreuses dépenses personnelles du maire de Getaria, dont des voyages avec Arguilagos à Paris, Dallas, New York ou San Francisco. Au-delà des retombées personnelles pour Camio, le procès suscite un grand intérêt du fait que le musée Balenciaga a toujours été un projet stratégique pour les institutions basques.

Le fait que de telles irrégularités aient pu se produire est surprenant. Trois institutions publiques dont la mairie de Getaria, la Diputacion foral du Gipuzkoa et le Gouvernement basque sont en effet à la tête de la fondation qu’elles sont censées contrôler. C’est par ailleurs un des arguments utilisés par Camio dans sa défense : "Si c’était un grand n’importe quoi, pourquoi personne n’a rien dit ??" s’est-il insurgé lors de sa déclaration. Coupable ou innocent, il n’en demeure pas moins que les institutions basques semblent encore avoir quelques progrès à réaliser en matière de contrôle des dépenses publiques.