Thomas Giacomini

Misères ou les rails heureux ?

En 1993, dix ans après l’abandon des classes populaires par le Parti socialiste paraissait un essai sous la direction du sociologue Pierre Bourdieu, La misère du monde. Cette vaste enquête était déjà consacrée à la misère sociale contemporaine dans la société française. Vingt-cinq ans plus tard, elle éclate au grand jour avec la révolte des “illettrés”, des “riens”. En 2005, il y avait déjà eu des prémices avec les émeutes en banlieue suite au décès de Zyed (17 ans) et Bouna (15 ans). Misères urbaines et sociales, violences urbaines et sociales. Misère sociale, économique, du logement, abandon des services publics, précarité du travail et energétique face à la prospérité des multinationales et leurs lobbies (impôt sur les bénéfices en Europe est tombé de 45 % à 19 %), à la multiplication des privatisations (aéroport de Paris et Toulouse, barrages hydrauliques, encore un combat à mener), des évasions fiscales et des dividendes pour les actionaires (+ 23 % en France, en 2017).

Depuis 40 ans, une seule fabrique du consentement est diffusée par les pouvoirs politiques et médiatiques : l’ultralibéralisme. Cela a commencé par Thatcher avec son fameux Tina : “there is not alternative”. Pour la classe dominante, il n’y a pas d’alternative à détruire les services publics, à déréguler à tout va (travail, finance, énergie…) pour l’intérêt d’une seule classe, la classe des riches. Et, c’est bien Warren Buffet, troisième fortune mondiale qui a dit : “La guerre des classes existe, c’est un fait, mais c’est la mienne, la classe des riches, qui mène cette guerre et nous sommes en train de la remporter”.

Ce mépris est arrivé à son paroxysme avec Macron qui n’est là que pour ses amis du CAC 40. En 2015, il déclarait au journaliste indépendant Marc Endeweld : “je n’aime pas le modèle social né de 1945”. Il veut finir de détruire un programme appelé “Les Jours Heureux”, un programme né de la Résistance. Il veut mettre la cerise sur le chaos en abandonnant le socle social de notre société (sécu, retraites, assurances chômages,...).Ce n’est pas pour rien que dès le 8 août 2017, il a lancé un appel d’offres pour 22 millions d’euros (hors tva) de munitions pour le maintien de l’ordre. La casse sociale du peuple est “en marche”, à moins que la misère du monde se transforme enfin en convergences des luttes. Une convergence qui ne peut que s’articuler autour de l’écologie et du social.

En novembre, Lille vient de dépasser le pic de pollution pour la 60e fois alors que l’Organisation Mondiale de la Santé, ne préconise ce seuil que 3 fois / an. Puisque le train est le moyen de transport collectif le plus écologique et que la voiture pue, pollue et tue, faisons la Révolution du Rail, et non des réformes destructices d’un métier, d’un savoir-faire qui nous mènent vers la misère du Rail (abandon du Fret, fermetures des gares et lignes, suppression ou externalisation des postes avec précarisation des travailleurs…). La Révolution du Rail, c’est la fin de la SNCF, de ses 1 000 filiales et de ses organigrammes pléthoriques avec ses hauts salaires (la moyenne mensuelle des dix plus hautes rémunérations à la SNCF est passée de 115 000 euros à 300 000 euros depuis 2000, soit 160 % d’augmentation) puisque cette entreprise n’est plus une société nationale du chemin de fer mais une multinationale mondialisée. Pour la remplacer par Les rails heureux, un service public ferroviaire gratuit, au service des usagers. Ce modèle économique existe déjà dans les transports en commun dans une vingtaine de villes, en France. La gratuité répond absolument à l’urgence sociale et écologique, libère le service du prix, mais pas du coût.

Par conséquent, qui régle la note puisqu’il n’y a plus d’argent dans les caisses. Mais qui nous parle de la dette depuis des années, les mêmes élites politiques et les mêmes “chiens de garde” médiatiques qui nous vendent l’ultralibérlisme et leur Europe. Celle que les citoyens ont refusé en 2005 et que l’on nous a imposée, misère du politique et des politiques. De l’argent, il y en a, demander aux banques en 2008 ! Aucun responsable de cette crise bancaire n’a été inquiété par la justice, sauf les fusibles. Misère de la justice, surtout pour les pauvres qui va s’accentuer avec la prochaine réforme.

Et au lieu d’aller chercher la croissance “avec les dents”, c’est avec les crocs que l’on doit débusquer ce “pognon de dingue” : imposition des multinationales, taxation des produits financiers, évasions fiscales (80 milliards / an qui est la partie visible de l’iceberg), paradis fiscaux. LES RAILS HEUREUX, c’est donc le transport gratuit pour les voyageurs, la relance du Fret ferroviaire pour stopper les trains de camion et le retour des cheminots de terrain puisqu’en 2013 nous étions quatre agents pour un cadre, et ce ne sont pas les mails qui font circuler les trains.

Par ailleurs, il faut relancer un grand service public de l’énergie, pour une vraie transition écologique collective et non individuelle, donc libéral. Pour comprendre cet enjeu, rien de mieux que de visionner le documentaire éclairant du journaliste Gilles Balbastre Main basse sur l’énergie, sur le net.

Une seule alternative, une dictature “douce et heureuse” de l’écologie pour lutter contre le réchauffement climatique et la précarité énergétique, sociale et économique.

En parallèle, le citoyen-consommateur sera libre de s’infliger une dictature “dure” de l’écologie : arrêter ou limiter les voyages en avion (souvent low cost donc misère salariale), exiger l’arrêt de la neige artificielle au ski (pour un hectare de neige artificielle, il faut 4 000m3 d’eau avec une dépense énergétique de 25 Kw nécessitant une température extérieure comprise entre - 10 et + 2), limiter l’achat de vêtements puisque avec l’arrivée du net, il y a une augmentation des ventes de 60 % pour un gaspillage de 50 % alors que l’industrie du textile est une des plus polluantes avec des travailleurs exploités à l’autre bout du monde…Par contre, on peut tous mettre des espadrilles pour développer l’emploi local.

Pour gagner cette guerre des classes et de l’écologie, on doit appliquer la fameuse maxime Tina : en 1, l’écologie, en 2, l’humanisme et en 3, l’écologie et l’humanisme.