Goizeder TABERNA

Les doléances des gilets jaunes

Le député Vincent Bru a recueilli les revendications des personnes mobilisées aux bord des routes depuis plus d’un mois.

Les deux gilets jaunes qui ont rencontré le député Vincent Bru ne se disent représentants de personne. © MEDIABASK
Les deux gilets jaunes qui ont rencontré le député Vincent Bru ne se disent représentants de personne. © MEDIABASK

"C’est comme les cahiers de doléances" sourit le député Vincent Bru, évoquant une pratique existant sous l’Ancien Régime, du temps des rois. Le représentant de la majorité présidentielle ne croit pas si bien dire. Alors que les rassemblements des bords de route prennent un air de révolte populaire, il a reçu deux gilets jaunes à Saint-Jean-de-Luz, jeudi 6 décembre.

Les deux qui ont bien voulu répondre à l’invitation. "Nous avons eu du mal à vous contacter", reconnaît devant eux le député de la sixième circonscription. Les gilets jaunes de 32 et 38 ans, les deux habitant Saint-Pée-sur-Nivelle, le préviennent de suite : ils ne sont porte-parole de personne. Ils ont tout de même rédigé à plusieurs une liste de doléances, même si personnellement, ils n’adhèrent pas à toutes.

Les protagonistes de la jacquerie ne semblent pas se contenter de la suppression annoncée de la taxe carbone dans le budget de 2019, point de départ du mouvement des gilets jaunes en octobre. Leur malaise est plus large. Ce qui frappe, cependant, c'est qu'ils ne défendent pas un projet de société en particulier. 

Le pouvoir d’achat, c’est la première des préoccupations

Sur le constat, le député acquiesce à de nombreux points avancés, les désaccords apparaissent souvent dans les solutions proposées. Mais aujourd’hui, son objectif serait d’entendre "la parole qui vient de loin" et de la faire remonter. Il l’a fait en présence de la presse.

A la fin du mois, la ferraille se fait rare dans la bourse de ces deux hommes actifs. Le pouvoir d’achat, c’est la première de leurs préoccupations. "On nous dit qu’il faut investir dans l’économie, mais je n’ai pas de moyen de consommer local et français", se désole le plus jeune. Un Smic à 1 500 voire 1 600 euros, c’est ce qu’il souhaiterait.

Il pointe du doigt les contradictions du gouvernement actuel. La suppression de l’impôt sur la fortune ne s'est pas répercutée sur l’embauche et la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) a restreint le pouvoir d’achat des retraités. Enfin, la verticalité de l’Administration serait, d’après l’élu, à l’origine du retard de paiement de la prime à la reconversion pour remplacement d’une vieille voiture dont est victime le Senpertar de 38 ans.

Attendu au tournant

Vincent Bru reconnaît que certaines mesures ne font pas l’unanimité dans son camp et met en avant l’intérêt de la "grande concertation" locale de trois mois sur la transition écologique promise cette semaine par Emmanuel Macron.

Le Président de la République est attendu au tournant. Son arrogance lors de l’affaire Benalla et dans ses réponses aux critiques ne passe pas. "On traverse la rue, oui, mais pour mettre les gilets jaunes", ironise le plus âgé. Lui et son camarade attendent les déclarations de Macron. Ils le tiennent pour responsable de la situation.

L’élu reconnaît que certains mots blessent et appelle de ses vœux à la "bienveillance" tant évoquée lors de la campagne d’En Marche. "Je suis persuadé qu’Emmanuel Macron va prendre la parole, mais tout dépend de ce qui se passera samedi", nuance-t-il. Une nouvelle manifestation sous tension est attendue à Paris ce samedi 8 décembre. Certains prévoient un éventuel remaniement express à la tête du Gouvernement français dans les heures qui suivront.

Elus par une minorité

Ces ministres et plus généralement les politiques sont la cible des critiques des gilets jaunes assis devant Vincent Bru et son assistant parlementaire. "Reconnaissez qu’Emmanuel Macron et vous-même, vous êtes élus par une minorité", pointent-ils. Ils remettent en cause ce système représentatif qui ne parle qu’au nom d’une partie des citoyens. Les deux hommes en sont l’illustration : ils affirment n’avoir voté pour aucun des deux candidats du second tour en 2017.

Ils n’ont pas exprimé leur suffrage, et ce n’est pas par indifférence. Pendant l’échange, leur connaissance du fonctionnement de la cinquième constitution transparaît. Ils réclament la prise en compte des votes blancs et nuls, la proportionnelle à l’Assemblée nationale et pour les questions les plus importantes, l’organisation de référendums. "Là où il y a des référendums, la participation est petite", fait remarquer le député. Il concède, cependant, qu’il y aurait un système de consultation à inventer pour que la démocratie soit plus directe. A l’heure où l’action directe semble être le seul moyen pour se faire entendre, la réflexion serait la bienvenue.