Anaiz Aguirre Olhagaray

L’écologie, toutes taxes comprises

Une action de blocage et une opération escargot sont prévues ce samedi matin dans le cadre du mouvement du 17 novembre contre la hausse des prix des carburants. Une mesure qui va pénaliser en premier lieu les personnes les plus pauvres, alors que les modes de transports les plus polluants de la planète, eux, sévissent tranquillement sans mettre la main à la poche.

Au Pays Basque, les transports sont responsables de 57 % des émissions de CO2 d’après l’agence Atmo Nouvelle-Aquitaine. DR
Au Pays Basque, les transports sont responsables de 57 % des émissions de CO2 d’après l’agence Atmo Nouvelle-Aquitaine. DR

Bienvenue à bord d’une politique écologique peu ambitieuse et source d’inégalités sociales. A l’heure où la situation climatique sans précédent que vit l’humanité appelle à une réduction drastique des émissions de CO2, l’État français est à la traîne et ne respecte toujours pas les engagements pris lors de l’Accord de Paris en 2015. Pire, il soutient des projets contradictoires avec les objectifs de cet accord. Les prix des carburants montent, ce qui enflamme la colère des automobilistes de tout l’Hexagone. Au Pays Basque Nord, une action de blocage et opération escargot est prévue ce samedi 17 novembre. Le rendez-vous est fixé à 7h30, à la Halle d’Iraty de Biarritz.

Dans la matinale d’Europe 1 du mardi 6 novembre, le président Emmanuel Macron a défendu la taxation carbone, d’après lui nécessaire d’un point de vue climatique et sanitaire : "C’est de l’écologie et il faut le faire. (…) Derrière, il faut bien voir que les Françaises et les Français sont, à juste titre, aussi attachés à ce que leurs enfants respirent un air qui soit plus pur. (…) Ils veulent voir baisser les émissions, alors il faut être cohérent." (1)

Cohérent, Manu ? Alors que le cours du pétrole est en hausse (normal, les réserves s’amenuisent) et que la taxation du carbone augmente (normal - encore faut-il qu’elle finance la transition écologique), il est des secteurs comme le transport aérien (le plus polluant des modes de déplacement, responsable de près de 3% des émissions mondiales de CO2), qui s’en sortent pépères. Le kérosène bénéficie d’une exception fiscale, ce qui en fait le seul combustible exempté de toute taxe. Ce qui explique - et c'est aberrant - qu’il coûte moins cher de se déplacer en avion d’une capitale européenne à l’autre que de parcourir son propre territoire en train pour rendre visite à ses proches…

Pour une écologie punitive mais équitable et solidaire

Selon un rapport du Commissariat général du développement durable de 2011, "la consommation des 20% des ménages les plus modestes représente 11% des émissions de CO2 alors que celle des 20% des ménages les plus aisés est responsable de 29% des émissions" (2). Les citoyens ne sont pas tous égaux face au réchauffement climatique, et les premières "victimes" de cette hausse des prix des carburants sont les personnes aux revenus les plus bas, les plus éloignées des centralités et donc les plus dépendantes de la voiture pour se déplacer.

"Être cohérent" reviendrait donc à faire en sorte que la taxe carbone serve à financer une véritable politique de transition écologique et sociale, qui favorise les mobilités douces, les lignes ferroviaires locales, et qui lutte contre l'étalement urbain.

Sarah Fayolle, chargée de campagne chez Greenpeace, estime dans cet article de Reporterre que "la fiscalité reste un instrument indispensable pour la transition écologique et qu’elle semble inévitable dans un monde sous contrainte climatique". À condition dit-elle, d’y ajouter un meilleur accompagnement des citoyens vers la sortie du tout voiture, en fléchant les recettes de la taxe carbone vers le financement de solutions pérennes et vers des mesures de solidarité pour accompagner les gens qui sont dans les situations les plus précaires. "Si le gouvernement était sérieux sur cette question, l’impératif de justice sociale serait au cœur de la démarche et les ressources dégagées par la hausse de cette fiscalité seraient utilisées pour garantir une mobilité durable à tous".

 

(1) Les contradictions du gouvernement : taxe carbone d’un côté, mesures anti-climat de l’autre, Reporterre, 9 novembre 2018

(2) Quand le réchauffement climatique accentue les inégalités sociales, Sciences et Avenir, 1 octobre 2016