Béatrice MOLLE-HARAN

Au seuil de la souveraineté

Les résultats engrangés par les indépendantistes kanaks et non prévus par les sondages ont un goût de victoire et témoignent d’une dynamique implacable vers la souveraineté

Béatrice MOLLE-HARAN. © Sylvain SENCRISTO
Béatrice MOLLE-HARAN. © Sylvain SENCRISTO

Avec une participation de près de 81 %, le référendum sur l’indépendance en Kanaky peut être qualifié d’historique. Quant aux résultats : 56,4 % contre l’indépendance, et 46,61 % en faveur, ils ouvrent la voie en 2020 à la convocation d’un deuxième référendum prévu par les accords de Matignon et Nouméa.

Les résultats engrangés par les indépendantistes kanaks, et non prévus par les sondages, ont un goût de victoire et témoignent d’une dynamique implacable vers la souveraineté. Rappelons que la Kanaky est toujours sur la liste de l’ONU des territoires à décoloniser. Et que les terres des Kanaks sont toujours réduites à 8 % après les spoliations opérées en 1914 par les colons.

Certes des réformes foncières sont en cours, mais le réel rééquilibrage n’a pas eu lieu.

Il faut aussi souligner que ce processus de décolonisation imparfait, mais inexorablement en marche est le fruit de plusieurs volontés mises en mouvement avant et après la signature des accords de Matignon en 1988, aboutissant à l’accord de Nouméa en 1998. Accord prévoyant le transfert de plusieurs compétences, qui n’a pas encore été réalisé. Il n’empêche que malgré ces manques, un processus est en marche. Comment ne pas saluer ici les mémoires de Jean-Marie Tjibaoui (FNLKS), Michel Rocard (PS) et Jacques Lafleur (UMP) aujourd’hui disparus, qui menèrent les négociations aboutissant aux accords de Matignon ? “Le pari sur l’intelligence” aimait à dire à ce propos le leader indépendantiste Jean-Marie Tjibaoui.

Nous serions tentés de dire que l’intelligence dans ce cas précis était partagée, au-delà des convictions et différences idéologiques des uns et des autres.

Car forcément, comment ne pas faire un parallèle avec l’attitude de l’Etat espagnol ? A la lumière des derniers évènements survenus en Pays Basque Sud cette semaine, où l’Etat espagnol a été condamné par le Tribunal européen des Droits de l’homme. Et ce, pour la tenue en 2011 d’un procès jugé partial par le tribunal européen à l’encontre de cinq dirigeants de la gauche abertzale. Une sentence arrivant bien tard, ces derniers ayant passé six ans, et six ans et demi, derrière les barreaux. Des années qui ne leur seront jamais rendues. Et pour le simple fait d’avoir mis en marche un processus de paix unilatéral, et d’avoir été jugés pour cela par un tribunal que l’on peut qualifier d’éminemment politique.

Et que dire des réquisitions du parquet espagnol demandant jusqu’à 25 années de prison envers 17 dirigeants politiques et associatifs catalans, dont onze sont incarcérés depuis une année ? De lourdes réquisitions, pour le simple fait d’avoir organisé un référendum sur l’indépendance, jugé anticonstitutionnel par l’Etat espagnol. Pour le simple fait d’avoir mis des urnes à portée des citoyens un 1er octobre 2017 en Catalogne.

Où est donc “le pari sur l’intelligence” quant, après le désarmement et la dissolution d’une organisation armée, la dernière d’Europe occidentale, l’Etat espagnol ne sait pas, ne veut pas faire montre de flexibilité nécessaire à tout réglement de conflit ? Il n’empêche.... Inexorablement, “le pari sur l’intelligence” sera forcément gagnant. Et le résultat du référendum en Kanaky, un formidable espoir pour l’émancipation des peuples et leurs libertés.