Anaiz Aguirre Olhagaray

L’université basque fait breveter un procédé de biocarburant à base d’agrumes

Un groupe de recherche de l’université basque UPV/EHU a démontré qu’il était possible d’obtenir du biocarburant par la pyrolyse rapide de déchets d’agrumes. Les améliorations apportées au réacteur qui permet le traitement de ces déchets ont fait l’objet d’un brevetage.

Les écorces d'agrumes peuvent être transformées en biocarburant. Une entreprise brésilienne est déjà prête à mettre en marche un petit projet pilote, à partir des résultats de l'étude basque. ©Egoi Markaida. UPV/EHU.
Les écorces d'agrumes peuvent être transformées en biocarburant. Une entreprise brésilienne est déjà prête à mettre en marche un petit projet pilote, à partir des résultats de l'étude basque. ©Egoi Markaida. UPV/EHU.

Une étude menée par le groupe de recherche CPWV (Catalytic Processes and Waste Valorization, qui signifie en français "Processus catalytiques et valorisation des déchets") de l’Université du Pays Basque, à laquelle ont participé des universités brésiliennes et iraniennes, révèle que les épluchures d’agrumes sont "une source abondante d’énergie renouvelable, accessible et bon marché".

A l’origine de l’étude basque, une demande de l’Université fédérale de São Carlos, partant du constat qu’au Brésil, en 2011, l’industrie du jus d’agrumes a généré près de 9,3 millions de tonnes de déchets. Les chercheurs de l’UPV/EHU ont obtenu un biocarburant au moyen de la pyrolyse rapide de ces déchets dans un réacteur à fond conique. Les déchets d’agrumes sont séchés et découpés avant d’être introduits dans le réacteur. Une fois pyrolysés à 500 degrés, ils donnent une proportion de biocarburant de 70 à 75%.


"Nous sommes arrivés à trouver une solution pour les déchets qui s’accumulent dans les usines de production de jus. Si on arrivait à sécher et à pyrolyser ces résidus au sein même de l’usine, le biocarburant produit pourrait être utilisé dans les chaudières pour chauffer l’entreprise. En tenant compte du fait que l’usine génère des milliers de tonnes de déchets, l’excédent de biocarburant non consommé pourrait être envoyé dans les raffineries, pour y obtenir un carburant plus noble", affirme le docteur en ingénierie chimique Martin Olazar, auteur de l’étude.

"En raison de la difficulté que présentait le traitement séparé des agrumes, nous avons commencé à les traiter en les mélangeant à du sable. Utiliser du sable grossier nécessitait des pompes très puissantes dans le réacteur, ce qui induisait un coût énorme. Par conséquent, nous avons utilisé du sable fin, mais celui-ci s’échappait à cause de l’air et du gaz. Il nous a donc fallu placer un dispositif pour confiner l’air dans la partie supérieure, nous avons confiné la pompe, et avons remarqué que cela présentait de nombreux avantages. Tant et si bien que nous l’avons fait breveter", explique M. Olazar.

Dans le cadre d’une autre étude, les scientifiques cherchent comment valoriser l’excédent de biocarburant. "Dans les raffineries, tout est conçu pour travailler à partir du pétrole, et les industriels sont peu enclins au changement. Dans d’autres pays, les raffineries ont été obligées d’accepter ce type de biocarburants. Il faudrait que ce soit le cas ici aussi", estime M. Olazar.

 

Les agrocarburants, une fausse bonne solution ?

Derrière le préfixe "bio" aux accents verdoyants, les associations Greenpeace et Les Amis de la Terre préfèrent celui d’"agro", qui souligne bien le fait qu’il s’agit de carburants issus de la production agricole. Et pour les écologistes, c’est bien là tout le problème. Remplacer les carburants fossiles, qui émettent énormément de GES, par ces nouveaux carburants "supposés" renouvelables, a semblé une bonne idée pour lutter contre le dérèglement climatique. Mais en réalité, estime Greenpeace, ils ne font que déplacer le problème. "Pour produire plus d’agrocarburants, il faut augmenter la superficie des terres agricoles. Cela se traduit par la destruction de zones forestières, elle-même génératrice de gaz à effet de serre". Pour l’ONG environnementale donc, il n’y a pas réduction des émissions de GES, mais transfert, et parfois hausse de ces émissions.

Pour les Amis de la Terre, les agrocarburants ne réduisent pas les consommations de carburants fossiles. "Les objectifs d’incorporation qui sont proposés par la Commission européenne ou par la France ne sont couplés à aucun objectif de réduction de la consommation". Dans un contexte où la consommation de carburants est croissante, cet objectif ne règle donc pas, selon les Amis de la Terre, la dépendance aux carburants fossiles. "Entre aujourd’hui et 2020, plusieurs scénarios de l’Union européenne montrent que la consommation européenne de carburants d’origine fossile devrait croître en Europe, même avec l'incorporation de 10% d’agrocarburants". Et l'Etat français n'y échappe pas, puisque selon des résultats présentés par Nicolas Hulot en début d'année, ces émissions de GES ont progressé en 2016.