Béatrice MOLLE-HARAN

L’urgence de la solidarité à nos portes

L’exception aujourd’hui devient de plus en plus la règle, au sein de cette Europe frileuse invoquant la sécurité et la délinquance, afin de violer ses propres lois

Béatrice Molle-Haran. © Gaizka IROZ
Béatrice Molle-Haran. © Gaizka IROZ

C e n’est pas un fait nouveau mais depuis ce mois de juillet la zone de Donostia, d’Irun et d’Hendaye connaît un afflux important de migrants. Selon les ONGs locales, 1 600 personnes seraient arrivées en Euskadi, et particulièrement dans cette zone transfrontalière, depuis le 15 juillet.

Des migrants qui traversent la frontière et sont dans la majorité des cas aussitôt refoulés sur le territoire gipuzkoan par la police française. La grande idée fondatrice de l’Europe qu’est la libre circulation des personnes prend une fois de plus du plomb dans l’aile. Au motif disent les autorités de l’application de l’accord bilatéral de Malaga permettant ce genre de pratique sans contrôle administratif ou judiciaire.

Ne parlons pas de l’espace Schengen désignant un espace de libre circulation des personnes entre les Etats signataires de cet accord souscrit par les états français et espagnol. L’exception aujourd’hui devient de plus en plus la règle dans cette Europe frileuse invoquant la sécurité et la délinquance afin de violer allègrement ses propres lois. L’espace Schengen est composé de 26 pays européens où les contrôles frontaliers ont normalement été supprimés. SOS Racisme d’Irun a dénoncé cet état de fait et cette manipulation de la législation en vigueur, au motif du maintien de la sécurité publique.

Des associations du Gipuzkoa sont montées au créneau organisant collectes, hébergements et coordination avec les institutions jugées trop lentes à la détente. Force est de constater à ce sujet que la réaction des uns et des autres est étonnante par rapport à la pesanteur de l’administration française. Mairies, diputaciones, gouvernement basque aiguillonés par les associations ont pris la mesure de ce drame humain et ont, en un temps record, ouvert de nouveaux centres d’hébergements tout en débattant de la cruciale situation des migrants mineurs. Des mesures imparfaites, provisoires certes, mais témoignant d’une réelle volonté pragmatique d’agir, avec les moyens adéquats que ne permettrait peut-être pas le centralisme jacobin.

Une manière de rappeller que le Pays Basque a toujours été une terre de passage et d’accueil. Les plus âgés d’entre nous se rappellent bien sûr de nos frères et sœurs du Pays Basque Sud et de l’Etat espagnol fuyant le fascisme, ainsi que des migrants portugais en quête d’un meilleur avenir. Avec comme corollaire les odieux trafics comme en témoignent les arrestations de passeurs le week-end dernier ayant tiré des centaines de milliers d’euros de bénéfices de cet indigne commerce.

Impossible de fermer les yeux devant ce phénomène migratoire qui nous concerne tous. Impossible de dire que nous ne savions pas que nos semblables, ces frères et soeurs de misère en quête d’un meilleur avenir doivent pouvoir compter sur notre solidarité. Une solidarité que le propre Conseil constitutionnel adoube en protégeant son exercice, stipulant que “toute personne a la liberté d’aider autrui, dans un but humanitaire, sans condition de la régularité de son séjour sur le territoire national”.

Et au-delà de la loi, au nom de la fraternité qui se moque des frontières.