Muriel Lucantis, Urtzi Errazkin Telleria

Nous aussi voulons parler de la violence au passé

Murielle Lucantis et Urtzi Errazkin représentant Etxerat. © Etxerat
Murielle Lucantis et Urtzi Errazkin représentant Etxerat. © Etxerat

En cette période très particulière, et notamment après l’annonce le 3 mai par ETA de sa démobilisation et la Conférence Internationale d’Arnaga, de nombreux acteurs du processus ont salué ces avancées historiques, certains se félicitant de “la fin de la violence”.

Nous sommes conscients de l’importance des pas réalisés. Nous aussi rêvons d’une paix véritable. Mais tout un volet de la violence est toujours bien en place, celle qui n’a jamais fait la Une des médias, celle que nous et nos proches emprisonnés ou en exil vivons au quotidien.

La violence de la dispersion et de l’éloignement, qui nous jette sur les routes chaque semaine, faisant de nous les prochaines potentielles victimes ; qui détruit peu à peu les plus âgés et les plus fragiles d’entre nous ; qui empêche les plus jeunes d’avoir les relations familiales et le repos indispensables à leur équilibre ; qui nous exténue et qui nous ruine (dernier accident dû à la dispersion le 2 avril dernier sur la route de la prison d’Arles).

La violence carcérale, et les conditions de détention indignes dans un grand nombre de prisons françaises et espagnoles ; l’assurance de tomber malade pour ceux qui sont en bonne santé, l’impossibilité de se soigner correctement pour les autres ; le risque élevé de mourir en prison, la plus terrible angoisse des familles, qui s’est concrétisée à plusieurs reprises ces derniers mois*.

La violence judiciaire et administrative, les très longues peines, les refus systématiques d’utiliser les possibilités offertes par la loi ; refus de libérer les prisonniers malades : 22 prisonniers politiques basques sont gravement malades, dont Ibon Fernandez Iradi à Lannemezan ; refus de libérations conditionnelles qui auraient pu être accordées depuis de longues années déjà.

La violence d’une vie entière en prison, pour un homme ou une femme, pour sa famille et ses amis aussi. Chacun peut se rappeler facilement où il était il y a 28 ans. Qui peut imaginer ces 28 années dans une cellule ? Qui peut imaginer, pour les familles, 28 années de voyages, d’angoisse, de tension permanente ?

Jakes Esnal, Xistor Haranburu, Ion et Unai Parot sont emprisonnés depuis plus de 28 ans, les trois premiers dans l’État français où ils ont été condamnés à la perpétuité avec des peines de sûreté allant de 15 à 18 ans. Bien qu’ils remplissent tous les critères prévus par la loi, la conditionnelle leur est systématiquement refusée. Ils pourraient être libres depuis dix ans déjà.

Tous les prétextes utilisés jusqu’à aujourd’hui ont disparu. Nous ne demandons aucune contrepartie, aucun privilège. Nous demandons le respect de nos droits, et de ceux de nos proches en prison ou en exil, jusqu’à leur retour chez eux, chez nous. Nous demandons une véritable justice, et non la politique de vengeance que nous connaissons jusqu’à maintenant. Nous demandons, nous aussi, l’occasion de parler de la violence au passé.

Nous savons que le chemin est ardu, et que les fruits de tout le travail déjà réalisé ne se concrétiseront qu’avec une forte poussée populaire. C’est pourquoi Etxerat se joint à la dynamique “Pas un jour de plus !” menée par le Collectif Bagoaz, particulièrement à l’appel à la manifestation du 16 juin à Bayonne, et transmet à la société entière cet appel urgent.

Pas un jour de plus ! Nous les voulons vivants et à la maison !

 

* Depuis le 8 avril 2017, trois prisonniers et un exilé politiques basques sont morts : Kepa del Hoyo, 47 ans et Xabier Rey Urmeneta, 38 ans, dans des prisons espagnoles ; Belen Gonzalez Peñalba, 59 ans, en prison atténuée pour maladie grave ; Javier Perez de Nanclares, 59 ans, au Mexique.