Frederik “Xistor” HARANBURU

Lettre de Xistor Aranburu, prisonnier basque depuis plus de 28 ans

A la veille de la manifestation du 16 juin réclamant sa libération ainsi que celle des frères Parot et Jakes Esnal, Xistor Aranburu écrit un courrier, reproduit tel quel.

Xistor Haranburu est dans sa 29e année d’incarcération. © DR
Xistor Haranburu est dans sa 29e année d’incarcération. © DR

J’aimerais, par ces lignes, clairement vous sensibiliser sur une réalité me concernant. En effet il me semble que vous l’ignorez, ou du moins que vous n’en avez pas suffisamment conscience.

Condamné à la Réclusion Criminelle à Perpétuité (RCP), je suis dans ma 29e année d’incarcération. Les textes de loi disent que, dans mon cas, pour espérer changer de régime de détention, il faudra obligatoirement passer par une mesure probatoire (sous bracelet électronique ou régime de semi-liberté) d’une durée d’un à trois ans avant de pouvoir espérer une liberté conditionnelle assortie de contrôles stricts pendant au moins dix ans de plus ! Ceci bien sûr, quand les juges antiterroristes en donneront leur accord, et surtout si, derrière eux, le Parquet (l’Etat) n’interposera pas d’appel.

A cela il faut ajouter, et ça m’a bien été spécifié au CNE, que je suis frappé par une interdiction de séjour de tout le grand sud-ouest de l’Etat français, alors que ça n’avait pas été décidé lors du procès. Cette interdiction durerait au moins cinq ans, à condition en plus que j’accepte cette déportation qui ne porte pas son nom. Cette mesure, eu égard à mon âge, au temps d’incarcération que j’aurai à ce moment-là, et le nouveau sacrifice que ça supposerait encore pour mes proches, est en fait une mesure carrément inacceptable.

J’ai donc été condamné de fait à une mort certaine, encore que celle-ci soit plus lente que celle qui était infligée par la guillotine. La seule différence, c’est que le législateur l’a hypocritement travestie, afin que le commun des mortels ne la perçoive pas de la sorte.

“Il ne faudrait quand même pas douter que la France est le pays des droits de l’homme et remettre, entre autres, sa législation et surtout ses pratiques en question !”

J’ai été condamné à la RCP pour des actes qui ont été commis dans l’Etat espagnol dans un contexte complètement différent de celui d’aujourd’hui. Si, au lieu d’être arrêté dans l’Etat français, je l’avais été dans l’Etat espagnol, j’aurais automatiquement été jugé là-bas. Or, à cette époque-là, pour ces faits, la législation espagnole prévoyait une condamnation dont le maximum légal ne pouvait dépasser 30 ans. C’est à dire que dans deux ans je serais libre, alors qu’ici, avec la législation française en vigueur, je ne le serai jamais.

Mes avocates ont déposé en haut lieu une demande de commutation de peine à 30 ans. Ce à quoi j’aurais été condamné dans l’Etat espagnol comme je l’ai expliqué précédemment. Les autorités françaises, qui paraissent parfois gênées par rapport au gouvernement espagnol pour prendre certaines décisions légitimes concernant les dossiers basques, ont cette fois une opportunité qui ne pourra leur être reprochée par leurs amis du pays de Cervantes. Il s’agit de commuer la condamnation à perpétuité, sans limite dans le temps, en une peine de 30 ans. Ce qui est, je le répète, la peine maximale à laquelle j’aurais été condamné là-bas. De plus, c’est la seule façon pour moi d’espérer être libre un jour pour le peu d’années qui me restera à vivre...

Maintenant, vous connaissez ma situation !

Frederik Haranburu (“Xistor”), Centre Pénitentiaire - BP 166 - 65307 Lannemezan Cédex