Vincent BRU

Les dérives indéniables de notre système

[OPINION] "Les dérives indéniables de notre système", article d'opinion du député Vincent Bru.

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Le terme de maltraitance institutionnelle, largement repris dans les médias, a cristallisé le profond désarroi des résidents des EHPAD et de leur famille, mais aussi du personnel soignant.

Si elle évoque les dérives indéniables de notre système de prise en charge de la dépendance, cette expression me gêne. Elle instille une forme de culpabilité. L’institution mettrait le personnel soignant en situation d’être ou de devenir maltraitant. Ces femmes et ces hommes dévoués sont pris dans une injonction contradictoire terrible : faire vite et bâcler, négliger le patient donc, ou prendre le temps au détriment des autres, résidents ou membres de l’équipe, et osons le mot, de la rentabilité de la structure.

Car il s’agit bien de cela : nous n’avons pas suffisamment anticipé la mutation de ces établissements qui autrefois accueillaient encore des résidents valides et autonomes. Nous avons privilégié le maintien à domicile et devons poursuivre en ce sens. Mais nous n’avons pas conduit la nécessaire adaptation des EHPAD, qui accueillent des résidents de plus en plus âgés, cumulant en moyenne 7,9 pathologies et dont la moitié souffriraient de syndromes démentiels. Cette perte d’autonomie a considérablement alourdi la tâche du personnel soignant, et changé pour partie la nature de leur travail. Le taux d’encadrement dans une majorité des établissements est inférieur aux besoins.

Face à cette situation de crise, le gouvernement a mobilisé des moyens supplémentaires. 160 millions d’euros en 2018, dont 50 millions spécifiquement pour les EHPAD en difficulté financière.

Il faut bien entendu saluer ces efforts, mais nous ne pouvons qu’en constater l’insuffisance, notamment au regard des conclusions du rapport de la mission d’information sur les EHPAD présenté le 14 mars par Monique Iborra (LaREM) et Caroline Fiat (FI).

Quelques pistes de ce rapport me semblent essentielles : rendre opposable une norme minimale d’encadrement en personnel soignant, actualiser les compétences des aides-soignants et revaloriser leur statut ou encore favoriser le développement de maisons médicales au sein des EHPAD, notamment en milieu rural.

Ces mesures, si elles devaient être adoptées, nécessiteront inévitablement des moyens supplémentaires. Mais la réponse ne peut être exclusivement comptable. Nous devons nous emparer de ce débat de société : comment prendre en charge la dépendance liée au grand âge ?

Cette question ne se limite pas à de simples mesures techniques à mettre en place. Elle interroge notre façon de faire, notre manière de prendre en charge la vulnérabilité constitutive de toute vie humaine. A l’impératif républicain d’égalité et de fraternité, nous pourrions, pour répondre à cette question, y ajouter l’éthique de la sollicitude et du soin. Je serai donc très attentif aux orientations d’une stratégie globale que présentera dans les jours à venir la ministre de la Santé pour améliorer la qualité de la prise en charge préservant la dignité des personnes.