Kattin CHILIBOLOST

Inuite et féministe, elle opte pour la résilience

Née en 1998 dans une communauté Inuite, Olivia Thomassie est en voyage pour présenter des films inspirés de son histoire et de son vécu. Elle se trouve actuellement au Pays Basque, où elle restera quelques jours encore.

Olivia Thomassie retourne de temps en temps dans la communauté où elle est née. © Gary KOITER
Olivia Thomassie retourne de temps en temps dans la communauté où elle est née. © Gary KOITER

Plus tard, Olivia Thomassie aimerait vivre dans une grande tente, qu’elle installerait à Kangirsuk, un village au Nord du Québec, chez les Inuits, communauté où elle a grandi. Pour le moment, elle vit à Montréal. Et voyage. Pour quelques jours encore, elle est au Pays Basque, avec l’intention de connaître et d’échanger avec ce peuple dont elle entend parler “depuis petite”.

Petite, Olivia Thomassie parlait l’inuktituk, la langue des Inuits. A ses huit ans, à la mort de sa mère, elle rejoint son père, à Montréal. “C’est un choc culturel”. Olivia est inscrite dans une classe d’accueil, un cours réservé aux immigrés. Seule autochtone du groupe, Olivia doit apprendre le français, et pour cela écarter l’Inuktituk de son quotidien. A l’école, les enseignants lui interdisent de parler sa langue maternelle. Son père ne maîtrisant pas la langue, peu à peu, Olivia l’oublie.

Maintenant, elle garde avec elle un petit carnet dans lequel elle note des mots écrits en inuktituk, qu’elle tente de réapprendre, suivis de leur traduction en anglais ou en français. A presque 20 ans, Olivia parle presque trois langues, et remarque déjà que le basque a une composition similaire à celle de la langue des Inuits. “Elles se ressemblent dans le sens où les mots sont composés de préfixes et de suffixes”, précise la jeune fille. Auparavant, Basques et Inuits auraient aussi développé une langue, sinon des expressions communes. Certaines sont inscrites au musée Albaola à Pasaia, dédié aux baleiniers basques construits pour aller chasser la baleine dans les eaux du Nord du Canada. “Les Basques sont arrivés chez nous bien avant les colons. Il reste des traces de leur échanges dans les histoires que l’on raconte et dans les vestiges de certaines constructions”, reconnaît-elle.

Des génerations opprimées

Ces récits, Olivia les a également partagés avec des collégiens de Manex-Erdozaintzi Etxart et des élèves du lycée de Seaska Etxepare. “J’ai expliqué d’où je venais, j’ai parlé de nos traditions, de nos façons de vivre...” Aujourd’hui, les autochtones habitent en majorité soit dans des tentes, soit dans des maisons. “Nous ne sommes plus des nomades, explique-t-elle. Au début du siècle, le gouvernement canadien envoyait des hommes tuer les chiens de traîneaux. Pour avoir un meilleur contrôle des autochtones et du territoire.” Bien que les Inuits aient pu revendiquer leur autodétermination, le Nunavik, “grande terre”, en inuktituk, fait partie de la Région Nord-Québec. Son gouvernement exploite aujourd’hui encore le territoire pour ses richesses minières. Et a longtemps tenté d’assimiler ses habitants par la force. Fondés dès 1820 avec la participation de l’Eglise, des pensionnats ont eu pour fonction de civiliser les autochtones. Lors de leur arrivée à l’institution, les jeunes étaient dépouillés de leurs effets personnels et de leurs vêtements traditionnels. On coupait leurs cheveux, changeait leur nom et donnait un numéro. “Parmi ces jeunes, certains étaient des enfants volés à leurs parents. Les coups et les viols étaient fréquents. Le dernier de ces pensionnats a fermé en 1996”, précise Olivia. Mais les conséquences, dont la violence, l’alcoolisme, l’échec scolaire et la dépression, sont présents... “L’alcool et la drogue ont toujours été plus accessibles que les soins thérapeutiques, nécessaires pour ceux qui sortaient des pensionnats”, affirme la jeune femme.

Lutte contre la discrimination

Olivia Thomassie parle à présent de résilience. Grâce à la Wapikonie mobile, un projet non gouvernemental qui va à la rencontre des jeunes des communautés à bord d’un studio de cinéma ambulant, Olivia a réalisé des films inspirés de son histoire et de son vécu. Elle en a présenté un aux Journées des Francophonies de Lyon qui rend hommage aux femmes inuites. Elle cite aussi le film Wamin, pomme en inuktituk, dans lequel elle a participé. Pomme, “comme rouge à l’extérieur et blanche à l’intérieur”, dénonce le racisme systémique, la discrimination et les préjugés que les Inuits, et les autres communautés autochtones habitant entre l’Alaska et le Groenland continuent de faire l’objet de nos jours.