Xan Idiart

“On ne veut plus de cette politique de m…”

La journée de grève à la fonction publique s'est déroulée ce 22 mars. Au Pays Basque Nord, 3 500 personnes se sont rassemblées à Bayonne. Entre regards tournés vers l'avenir et souvenirs des temps passés, tous ont des inquiétudes bien ancrées dans le présent et l'ont fait savoir.

3 500 personnes ont battu le pavé à Bayonne ce 22 mars. © Isabelle Miquelestorena
3 500 personnes ont battu le pavé à Bayonne ce 22 mars. © Isabelle Miquelestorena

Jeudi 22 mars, 10h30, une colonne de fumée s'échappe depuis les abords de la mairie de Bayonne. Comme un signal, des milliers de personnes affluent en ce jour de grève à la fonction publique au niveau hexagonal. Les syndicats ont répondu présents à leur propre appel. Mais derrière eux, ce sont des vies, des trajectoires qui sont au cœur des revendications.

Vêtue d'une blouse rouge et jaune de la CGT, lunettes de soleil sur le nez, Martine, la cinquantaine, fait partie des personnes en colère. "Je travaille dans un Ehpad et ces dernières années, on n'y arrive plus" s'insurge-t-elle avec émotion. Elle et ses collègues n'ont pas le temps de bien s'occuper des personnes âgées. "On ne leur donne à chacun qu'une douche par semaine." Les mauvaises conditions de vie des résidents, "ça nous fait mal".

Martine tient fièrement avec un autre employé d'Ehpad une banderole sur laquelle on peut lire : "Pour bien vivre, bien travailler, bien vieillir, un service public de qualité dans les (…) Ehpad". Mais la défense du service public passe aussi par celle du privé selon cette syndicaliste. Pourtant, les salariés du privé ne seraient pas très nombreux à battre le pavé. "C'est normal, ils sont plus menacés que nous quand ils font grève".



Souvenir de mai 68

Les minutes passent et les manifestants continuent d'affluer pour grossir les rangs. Au milieu de la foule, Georges, un ancien enseignant aujourd'hui à la retraite, esquisse un sourire sous sa moustache grise. "Ça me rappelle mai 68, cette convergence des luttes, le rassemblement des gens".

Lui croit à une mobilisation de longue durée. "Le Gouvernement s'attaque encore aux petits" martèle-t-il en brandissant une pancarte où s'affiche la une d'un numéro de Charlie Hebdo. Un cheminot comparé à un livreur de pizzas y tire un train accroché à son vélo pendant qu'il pédale.

Les petits contre les riches. C'est le match qui se joue en ce moment selon le soixante-huitard. La baisse de l'impôt sur la fortune voulue par le président Macron pendant que les cheminots se battent pour préserver leurs droits, Georges ne l'accepte pas. "Il faut se retrouver pour mieux lutter".



Des militants de toujours

La manifestation démarre finalement avec presque trente minutes de retard. Personne ne râle. Il fait trop beau pour ça, et puis tout le monde sent que la mobilisation est déjà une réussite. Des manifestations, Françoise en a connu plus d'une. "J'ai commencé à militer en 1966" se targue-t-elle sans vergogne.

A la retraite depuis 2012, cette ancienne agent territorial n'a pas hésité à ressortir son vieux badge de la CGT, pour l'épingler encore une fois sur sa poitrine. "Ce que veut faire le Gouvernement aux fonctionnaires, la baisse de leur pouvoir d'achat, c'est très moche" dit-elle calmement, comme pour mieux énoncer "la vérité".



"Rendez-nous l'argent"

Tout le long du parcours, les grévistes discutent de leurs problèmes de travail et ne scandent aucun slogan. "Pour prendre un rendez-vous à l'hôpital, c'est de la folie" se révolte une femme au moment de passer devant la cathédrale. De temps à autre, des fumigènes dégagent une odeur acre de fumée et brouillent la vue. Mais rien n'entrave la marche, et 3 500 personnes pénètrent dans la rue d'Espagne sous les regards amusés de Bayonnais en terrasse.

Soudain, tout le monde sursaute. Trois syndicalistes viennent de faire exploser un pétard devant la Société Générale. L'un d'eux hurle "rendez-nous l'argent !" Avec sa barbe de trois jours et un mégaphone sous le bras, il soutient le regard d'un policier juché sur sa moto, mais celui-ci ne bronche pas. Les trois compères finissent par rejoindre le cortège l'air débonnaire.



Midi. La manifestation touche à sa fin. Les forces de l'ordre sont postées devant les grilles fermées de la sous-préfecture. Les syndicats assurent alors étudier la possibilité de reconduire le mouvement. Peio Dufau, cheminot et militant CGT, prend le micro. "Pendant les élections, des gens ont pu être bernés par Macron, mais c'est fini".

L'homme ne lit aucun discours. Il ne connaît que trop bien les raisons de sa colère. "Nous, les cheminots, avons conscience qu'il nous est impossible de mener le combat seuls. Tous les secteurs de la fonction publique doivent se rassembler". Le ton grave de sa voix et la rage qui s'en dégage recueillent une salve d'applaudissements. "On ne veut plus de cette politique de merde !"