Chloé REBILLARD

PMA pour toutes, le débat est lancé

Une première table-ronde était organisée par l’association LGBT Les Bascos sur le sujet de l’ouverture de la PMA aux couples homosexuels ce samedi 17 février à Bayonne. L’occasion d’ouvrir le débat avant d’autres rencontres. 

La table-ronde sur la PMA à Bayonne a réuni des dizaines de personnes dont des responsables politiques et des militants LGBT. © Isabelle Miquelestorena
La table-ronde sur la PMA à Bayonne a réuni des dizaines de personnes dont des responsables politiques et des militants LGBT. © Isabelle Miquelestorena

Les Etats généraux de la bioéthique ont commencé en janvier 2018 et devraient aboutir sur un texte de loi à l’automne. L’un des débats centraux qui président depuis le début est l’ouverture de la Procréation Médicalement Assistée (PMA) aux couples homosexuels et notamment aux lesbiennes. Actuellement, plusieurs milliers de couples de femmes françaises font le voyage tous les ans vers la Belgique ou l’Espagne pour bénéficier d’une PMA dans ces pays où elle est autorisée pour les couples lesbiens. 

Samedi 17 février, la salle de la maison des associations de Bayonne qui accueille la table-ronde paraît étroite au vu du nombre de personnes ayant fait le déplacement. Des couples de femmes venues témoigner de leurs parcours, des militants associatifs membres de mouvements LGBT, des responsables politiques, mais aussi de simples curieux sont venus débattre et déconstruire nombre d’idées reçues sur le sujet de la PMA. 

Deux jeunes femmes, dont l’une est enceinte de cinq mois, n’ont pas connu trop de déboires : une insémination dans une clinique à Bilbo, 1 500 euros (le prix moyen d’une insémination) déboursés plus tard et les voilà sur le chemin de la parentalité. Elles se tiennent la main tandis que l’une d’elle témoigne. Elles ont conscience de leur chance : "pour nous, ça s’est bien passé".  

Mais le chemin peut parfois être bordé de plus d’épines : Cécile Cester a deux enfants avec sa compagne. Elle raconte les voyages en Belgique, les deux inséminations nécessaires pour la première grossesse, quatre pour la seconde. Le prix à débourser : 1 500 euros à chaque fois, auxquels s’ajoutent les frais de trajets et de logement sur place. Les examens nécessaires : "à un moment du cycle, on nous dit de faire des examens le matin, d’envoyer les résultats avant midi à la clinique, et ils nous disent à 14 heures si on a un rendez-vous le lendemain matin à 8 heures." Lors de l’une de leurs tentatives, l’employeur de sa compagne lui refuse son jour de congés pour le lendemain. Elle passera outre mais la difficulté reste là : comment improviser un voyage en moins de 24 heures lorsque l’on travaille ?   

Le cadre juridique actuel

Colette Capdevielle, avocate et ancienne députée, était présente et a rappelé le cadre juridique actuel de la PMA, martelant "l’hypocrisie" de la loi française. Pour bénéficier d’une PMA en France, il faut être un couple hétérosexuel, justifiant d’un problème de fertilité, marié, pacsé ou vivant ensemble depuis au moins deux ans. La loi limite à 43 ans pour la mère la possibilité d’y avoir recours. 

Depuis le mariage pour tous, la loi a ouvert la possibilité d’adopter aux couples homosexuels. La PMA n’est de fait pas interdite aux couples homosexuels, elle est simplement interdite sur le sol français. Ainsi, la mère sociale, c’est-à-dire celle qui ne porte pas l’enfant, des couples lesbiens ayant recours à la PMA à l’étranger se retrouvent à adopter les enfants nés de leur conjointe. "Une hypocrisie totale" selon Colette Capdevielle. Le législateur laisse faire les PMA et reconnaît a-posteriori la parentalité de l’autre membre du couple.  

Mais cela a des conséquences sur la vie de ces familles : si une séparation intervient avant l’officialisation de l’adoption, qui peut parfois être longue, la mère sociale n’a aucun droit sur les enfants et dépend entièrement de la bonne volonté de la mère biologique. Cécile Cester, qui est membre de l’association Les Enfants d’Arc-en-Ciel, a vu des cas absurdes : "lorsque le mariage pour tous a été voté, certaines se sont mariées, alors qu’elles étaient déjà séparées de fait, afin d’adopter leurs propres enfants pour ensuite divorcer" soupire-t-elle. Une possibilité quand la séparation se passe bien, mais quand elle se passe mal, une mère peut se retrouver coupée de ses enfants sans recours législatif.    

La manif pour tous en filigrane  

Aucun opposant à la PMA n’avait fait le déplacement, mais la salle n’était pas unanime sur tous les sujets. La question du remboursement de la PMA notamment a agité les débats. Pour certains, demander le remboursement de la PMA serait donner du grain à moudre aux opposants historiques des droits des personnes homosexuelles. Pour d’autres, ne pas autoriser le remboursement alors que les couples hétérosexuels qui passent par le même chemin y ont le droit, serait une discrimination supplémentaire. 

Quelque soit la position sur la question, le traumatisme de la Manif pour tous et de ses cortèges de manifestants clamant "un papa, une maman, on ne ment pas aux enfants" sur fond de drapeaux roses et bleus est présent dans tous les esprits. La libération de la parole homophobe qu’elle a suscitée a laissé de profonds traumatismes dans les rangs des personnes LGBT. Beaucoup redoutent de devoir retourner au front et faire face de nouveau aux remarques et aux questions de leur entourage. 

Stéphanie, mère de deux enfants qu’elle a eus avec sa compagne, témoigne aussi de l’importance de la parole des enfants dans les débats à venir : "Nos enfants ont beaucoup de choses à dire et plus simplement que nous. Un soir, ma fille est rentrée de l’école, l’une de ses camarades lui avait demandé ce que ça faisait que d’avoir deux mamans. Elle lui a expliqué et lui a demandé : "et qu’est-ce que ça fait d’avoir un papa ?"  

D’autres rencontres sont prévues pour approfondir le sujet, dont le 8 mars à Biarritz, autour de la projection d’un film au Royal. Les Etats généraux de la bioéthique se tiennent également en ligne, chaque citoyen est invité à y participer.