Justine Giraudel

"J'espère que cette décision mettra fin aux poursuites des 46 autres militants"

En multipliant les motifs de refus, la décision de la Cour d'appel de Pau fait de la non-exécution du MAE d'Emilie Martin un cas d'école.

Maritxu Paulus Basurco et Emilie Martin venues présentées les arguments du tribunal. © Isabelle Miquelestorena
Maritxu Paulus Basurco et Emilie Martin venues présentées les arguments du tribunal. © Isabelle Miquelestorena

En s'appuyant sur plusieurs arguments de fond et en multipliant les motifs de forme, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Pau vient de rejeter les accusations portées par les autorités espagnoles à l'encontre d'Emilie Martin. Et d'écarter toute notion de délit de son dossier.

Trois arguments de fond ont motivé la décision du tribunal, explique Me Maritxu Paulus Basurco, avocate de la jeune femme mise en cause pour ses activités au sein de l'association Herrira. En premier lieu, la non concordance entre les qualifications retenues, appartenance à une organisation terroriste ou complicité de collaboration avec une entreprise terroriste, et les faits concrètement reprochés à sa cliente.

Second point, le fait que l'activité de l'association dans laquelle la jeune femme travaille "n'a pas attiré l'attention des autorités en charge de la sécurité publique sur le territoire de la République, alors même que les autorités françaises ont été alertées par leurs homologues espagnols", cite l'avocate. Dans le cadre d'une commission rogatoire internationale délivrée par l’État espagnol, le juge d'instruction et le procureur de Bayonne s'étaient en effet penchés sur le sujet, concluant après examen au non-lieu de la demande.

Troisième et dernier argument principal, les faits reprochés à la jeune femme ont été exclusivement commis dans l’État français. S'ajoutent ensuite "une multiplication de motifs de refus" : absence de lieu, de date, du degré de participation, des peines encourues ou encore le fait que deux des infractions retenues ne sont pas des délits dans l'Hexagone. Ce qui donne à la décision "son caractère exceptionnel". Et expose clairement que "les faits reprochés à Mme Martin dans le cadre de ce MAE ne sont pas délictueux ou criminels", explique l'avocate.

La non-exécution du MAE a automatiquement entraîné la levée du contrôle judiciaire de la jeune femme. Celle-ci va pouvoir reprendre "[son] travail, [sa] vie quotidienne et [sa] militance", explique-t-elle, soulagée. Si ce n'est qu'Emilie Martin reste mise en examen dans l’État espagnol, et pourrait être interceptée si elle s'y rendait ou si elle se rendait dans un autre pays européen, le MAE courant toujours.

Un pas en direction du processus de paix

La jeune femme voit dans la décision de la Cour d'appel de Pau "un pas dans le processus de paix". Pour l'heure, elle souhaite que son cas puisse aider celui des 46 autres militants poursuivis pour la même affaire. Des avocats, des médecins, des psychologues, des familles et des anciens détenus, poursuivis pour faire partie du "front des prisons". Parmi eux, l'avocate Arantxa Zulueta, aujourd'hui incarcérée. "J'espère que cette décision pourra donner envie aux tribunaux espagnols de faire la même chose, [la] libérer et mettre fin aux poursuites des 46 autres."

Car le procès aura lieu, "de toute évidence", bien qu'à l'heure actuelle aucune date ne soit connue explique Me Paulus Basurco. "La vraie victoire viendra le jour où les autorités espagnoles reconnaîtront son caractère totalement illégal", ajoute-t-elle. Et le jour où la justice espagnole abandonnera les chefs d'accusation.





Au Pays Basque nord, EH Bai réagit

Dans un communiqué, la coalition abertzale a souligné deux points. Le premier : "En qualifiant les faits notifiés dans le MAE comme non délictuels, le tribunal signifie clairement que les accusations portées contre l'ensemble des personnes convoquées dans ce procès sont donc non délictuelles. En ce sens, le macro-procès à l'encontre des 46 militant-e-s basques n'a pas lieu d'être."

Dans un second temps, elle estime que l’État français a aujourd'hui choisi de ne pas s'aligner sur la position systématique de l'Etat espagnol, "la négation du processus de paix". Et ce, au lendemain du cinquième anniversaire de la déclaration d'Aiete. C'est pourquoi elle appelle la gouvernement à continuer sur cette voie et à "répondre favorablement à l'aspiration du peuple basque en faveur d'une paix durable".