Iñaki ALTUNA
Entrevista
David Pla
Membre de la délégation d’ETA pour le processus de résolution

“Le gouvernement français n'était pas disposé à bouger sans l’approbation du gouvernement espagnol”

Le 15 décembre dernier, quelques jours avant les élections législatives à Madrid, le quotidien Gara a publié l'entretien en langue basque de David Pla. Incarcéré après son arrestation à Saint-Etienne-de-Baïgorry, le représentant d'ETA revient sur les différentes étapes du processus. Une analyse sur des événements qui ont marqué le conflit basque de ces dernières années dont MEDIABASK vous propose la traduction.

David Pla est toujours l'interlocuteur d'ETA pour les questions liées au processus de paix. © Gaizka IROZ
David Pla est toujours l'interlocuteur d'ETA pour les questions liées au processus de paix. © Gaizka IROZ

Si la publication de cet entretien a été retardée jusqu’à la veille des élections, c’est parce que Gara attendait de connaître le titre avec lequel il devait présenter l’interviewé. David Pla a confirmé qu’il fait toujours partie des représentants désignés par ETA pour la résolution du conflit. Cette confirmation donne une dimension et une signification particulière à cette interview.

Quelles conclusions tirez-vous des arrestations qui ont eu lieu à Ossès et à Saint-Etienne-de-Baïgorry ?

Les deux opérations de police ont pour but de conditionner le processus à long terme. Suite aux arrestations d'Ossès, mais également lors de l’opération policière de Biarritz qui les avait précédées, les Etats ont clairement revendiqué leur souhait d’entraver la mise sous scellé par ETA de son arsenal. Et nous pouvons conclure que nos arrestations cherchaient, entre autre, à entraver les relations entre ETA et les différents acteurs. Ces opérations s’inscrivent dans le cadre d’une stratégie de guerre déployée par les Etats espagnol et français, dans le seul but d’empêcher toute avancée.

Le ministre de l’Intérieur espagnol avait déclaré qu’il s’agissait là de l’acte de décès d’ETA...

Et ils n’arrivent pas à enterrer le corps ! Oui, c’est bien “la une” qu’ils recherchaient. A l’approche de la fin de son mandat, il s’agissait surtout de revendiquer le soi-disant succès de la stratégie du gouvernement. Cependant, ils savent pertinemment que c’est faux. La réalité est bien différente : bien qu'ils aient disposé de quatre ans et surtout d’un contexte favorable pour la mise en place d’une véritable solution, ils ne l’ont pas fait. Bien au contraire, ils s’entêtent à dénaturer la réalité en véhiculant le schéma fallacieux de vainqueur et vaincu.

Même si les paramètres de la confrontation et les variables pour mesurer le rapport de force ont totalement changé, ils s’entêtent à alimenter une vision purement policière et militaire. Parce qu’ils savent pertinemment que depuis la décision d’ETA de mettre un terme à la lutte armée, chaque coup porté leur permet de projeter l’image de la victoire. Cependant, il suffit de changer de focale et d’observer les véritables paramètres pour se rendre compte que la réalité est tout autre : le projet de l’Espagne est en échec au Pays Basque. Aux yeux de la majorité des citoyens basques, c’est bien le gouvernement espagnol qui entrave la paix, et le soutien au parti du gouvernement s’amenuise au Pays Basque. Et la gauche abertzale, qui leur semblait moribonde, est revigorée.

Que faisiez-vous dans cette maison de Saint-Etienne-de-Baïgorry ?

Quatre ans après la Déclaration d’Aiete, ETA était arrivé à la conclusion que le temps d’une réflexion profonde était venu, pour redéfinir sa stratégie et les pas à franchir. Pour ce faire, nous voulions recueillir les avis et les propositions de différentes organisations et personnes. C’est ce que nous étions en train de faire lors de notre interpellation.

Comme vous l’avez bien précisé, quatre années se sont écoulées depuis la Conférence d’Aiete et depuis qu’ETA a mis un terme à la lutte armée. Quel regard portez-vous sur ce qu’il est advenu par la suite ?

J’ai une sensation aigre-douce. Si l’on s’arrête au processus de libération, je constate des avancées car nous avons réussi à construire un situation politique riche en opportunités. Cependant, nous sommes loin de la situation que nous aurions voulu atteindre. Les Etats ainsi que les régionalistes [le PNB, ndlr.] veulent à tout prix empêcher que le nouveau cycle politique se déploie dans son intégralité, pour que le processus de libération ne puisse avancer. C’est donc à cette fin qu’ils entravent le processus de résolution, et instrumentalisent la situation des prisonniers politiques basques. Et dans ce contexte difficile, nous faisons preuve de nombreuses lacunes qui nous empêchent de progresser.

Vous avez fait des réunions avec plusieurs acteurs. Pouvez-vous préciser : avec qui, où, quand...?

En tant que représentant d’ETA, nous avons eu de nombreux échanges en lien avec le processus, par des rencontres directes ou par écrit. D’abord, pour amorcer le processus et ce jusqu’à la Conférence d’Aiete, nous avons rencontré à deux ou trois reprises un groupe de médiateurs. En plus d’avoir des relations avec ETA, ces intermédiaires étaient en contact avec le gouvernement espagnol. A cette occasion nous avions accordé la feuille de route qui contient les engagements du gouvernement espagnol et d’ETA, ainsi que la Conférence d’Aiete elle-même.

Après la Conférence d’Aiete, la délégation d’ETA s’était installée dans un pays tiers, où devaient avoir lieu les négociations. Pendant les 16 mois qu’a duré notre séjour, nous avons réalisé de nombreuses réunions. La plupart d’entre elles étaient en lien avec les engagements de la feuille de route et le développement du processus. Des réunions effectuées avec la Commission internationale de vérification, le groupe de médiateurs et les organisateurs de la Conférence d’Aiete.

Dans le but d’échanger des avis et de recevoir des contributions, nous nous sommes aussi entretenus avec des personnes faisant partie des milieux diplomatiques et ayant travaillé pour l’Organisation des Nations Unies et avec des militants ayant participé aux processus de libération en Afrique du Sud et en Irlande. Et bien évidemment, nous avons également rencontré le gouvernement du pays qui nous a accueilli. En tout, nous avons rencontré une douzaine de personnes de nationalités différentes.

Avec la dislocation de ce qu’aurait dû être le lieu de négociation, ces réunions se sont interrompues, car nous pensions que nos interlocuteurs seraient surveillés. Il y a eu deux exceptions. La première, avec la Commission internationale de vérification, pour accorder les tenants et les aboutissants du processus de mise sous scellé des dépôts d’armes d’ETA. Et la seconde le cycle de réunions en cours lors de notre interpellation.

Et contrairement a ce qui a été dit et interprété, nous ne nous sommes jamais réunis avec Brian Currin et le Groupe international de contact, car la fonction de ce dernier est d’établir des discussions entre les partis.

Qu’avez-vous à dire sur le rôle des organisations internationales, pour n’en citer qu’une, celui de la Commission internationale de vérification (Civ) ?

Le rôle de la Civ est très important, d’autant plus primordial si l’on prend en considération la position des Etats. Elle a apporté de la crédibilité au processus. Son intervention fut décisive au tout début du processus, lorsque le gouvernement espagnol a voulu semer le doute sur les intentions d’ETA. Et elle a franchi un pas très important, alors que le processus était dans une impasse, en accordant avec ETA l’entame du processus de mise sous scellé des armes.

Les membres de la Civ ont agi dans des conditions défavorables. Ils ont subi des agressions de la part des Etats. Et ils ont également subi des pressions pour qu’ils s’affichent publiquement contre ETA. Cependant, ils se sont tenus strictement au rôle et à la fonction qui avaient été accordée, ils ont agi professionnellement. Cela qui a été décisif pour poursuivre le travail en commun.

En général, la contribution des agents internationaux a été considérable, mais l’obstination des Etats et le comportement de certains acteurs ont limité l’ampleur de leur intervention.

Que s’est-il passé en Norvège ?

Tout d’abord, je voudrais préciser que même si l’on parle de la Norvège, ETA n’a jamais affirmé que ses représentants y étaient. Nous avons séjourné dans un pays européen, que nous n’allons pas citer, avec l’approbation et le soutien de son gouvernement. Nous nous sommes retrouvés dans ce pays suite aux engagements pris par le gouvernement espagnol et ETA avec un groupe de médiateurs internationaux. L’accord stipulait que des discussions auraient lieu entre ETA et le gouvernement espagnol pour surmonter les conséquences du conflit. Cependant, ce dernier a cru bon de ne pas tenir ses engagements. Il était établi, par exemple, qu’une fois qu’ETA aurait rendu publique sa déclaration, les prisonniers malades seraient libérés tandis que le reste des prisonniers serait rapatrié au Pays Basque.

Mais juste après le gouvernement a changé…

C’est vrai. Après la tenue des élections en Espagne, le gouvernement a changé. Le gouvernement du PP fut informé de la situation, aussi bien des engagements du gouvernement précédent, que de la situation des représentants d’ETA. Deux ou trois mois plus tard, il fixait sa position : il n’entamerait pas de discussion avec ETA, même s’il acceptait que sa délégation séjourne dans le pays hôte. Il s’agissait là d’une décision étrange, car notre présence était justifiée par l’éventualité de conversations.

Bien sûr, pendant ce temps nous travaillions avec les agents internationaux, pour impulser le processus dans son intégralité, mais il ne s’agissait pas là de la vrai raison de notre présence. En plus, peu de temps après, les services secrets espagnols ont effectué des pressions pour forcer notre arrestation. Cette intervention fut vite avortée, mais cela inquiéta le gouvernement hôte car les agissements du gouvernement espagnol pouvaient lui causer des difficultés.

Qu’en est-il du gouvernement français ? Il est cité dans la Déclaration d’Aiete.

En France aussi, les élections furent suivies du changement de gouvernement. Nous pensions tous que la participation de l’État français au processus était indispensable. Il s’agissait de fissurer le blocage. Pour ce faire, nous lui avons adressé une proposition solide et ambitieuse. Le gouvernement français a reconnu qu’il s’agissait bien d’une démarche audacieuse, mais qu’il n’était pas disposé à bouger sans l’approbation du gouvernement espagnol.

Comment s’est terminé ce qu’aurait dû être le lieu des discussions ?

Une fois que la possibilité d’entamer des conversations fut définitivement enterrée, et suite aux pressions qui avaient précédées, la décision du départ des représentants d’ETA a été actée. C’est à ce moment qu’un événement étrange survint : en décembre 2012, le gouvernement espagnol a envoyé un interlocuteur pour nous rencontrer, avec pour mission d’établir une voie de communication “stable, durable et discrète”. Pendant la rencontre, nous lui avons fait part de notre position, et lui avons signifié que le gouvernement espagnol devait clarifier quel était le but précis de cette voie de communication, puisque lui-même ne portait pas de message particulier.

De retour à Madrid, le gouvernement espagnol refusa de le recevoir ! Evénement surprenant, s’il en est ! Nous pouvons penser que quelqu’un avait décidé de couper court à cette initiative. Cependant, selon les dires de l’émissaire, Rajoy était bel et bien informé de cette démarche.

Après cet échec, les représentants d’ETA ont quitté le pays. Certains ont insinué qu’ils avaient été expulsés à cause d’un différent avec le gouvernement hôte et la Commission internationale de vérification. Ce n’est pas vrai. Le fait de rester aussi longtemps sur place sans qu’il y ait aucune action pour établir le cadre des conversations reflète le niveau d’engagement et de sérieux d’ETA.

Avec le temps, la photo d’Aiete a évolué. Par exemple, elle s’est renforcée au Pays Basque Nord. En Navarre, il y a eu des changements notoires. Dans la Communauté autonome Basque par contre, c’est l’impasse. Quel regard portez-vous sur les agissements des différents agents ?

Ce qui s’est passé au Pays Basque Nord est à relever. Le positionnement en faveur du dialogue et de l’accord est devenu majoritaire dans toutes les familles politiques, malgré les différences notoires sur leurs projets politiques. Je pense qu’ils sont sincèrement convaincus qu’il faut concrétiser cette opportunité historique. Ainsi, ils ont réalisé ce que devrait être l’exemple à suivre pour l’ensemble du Pays Basque.

Dans les autres provinces, l’attitude des agents politiques est vraiment décevant. Les partis à la solde de l’Espagne ont fait le choix du blocus depuis le début. Ils ont montré qu’ils ne tenaient pas à la paix, et qu’ils cherchaient à tout prix à maintenir l’imposition. Ils ne veulent pas de paix, ils ne veulent pas de solution. Il est significatif de voir que ceux-la même qui jadis revendiquaient “l’unité des démocrates” pour combattre ETA, appellent aujourd’hui à la mise en place de cette même “unité des démocrates” pour s’opposer au processus indépendantiste catalan. De la part d’UPN et du PP nous ne pouvions pas nous attendre à mieux, si ce n’est peut-être à l’éventualité d’une participation au dialogue une fois le processus enclenché. Et le PSOE a montré une fois de plus qu’il s’agit d’un parti sournois. Un parti qui déclare une chose un jour et fait le contraire le lendemain.

Cependant, l’interruption du processus dans la Communauté autonome basque ne peut se comprendre sans prendre en considération l’attitude du PNB et du gouvernement autonome qu’il dirige. Au début, ils disaient que la présence des observateurs internationaux était une bonne chose mais que le débat devait avoir lieu au Pays Basque. Ensuite, quand les Forums sociaux se sont constitués, ils ont ajouté que le seul cadre légitime pour les accords étaient le Parlement de Gasteiz et la Proposition pour la paix. Et une fois que toutes les initiatives ont été rompues, ils ont refusé de donner une suite à la Proposition pour la Paix, en arguant le véto du PP et du PSOE. En ajoutant, de plus, que tout est de la faute de la gauche abertzale. Le PNB a fait le choix d’enraciner le blocage.

A votre avis, pourquoi le PNB a-t-il agi de la sorte ? Nous pouvons penser que si le processus avait avancé, Urkullu aurait pu s’accaparer du leadership pour plusieurs années.

Au début nous pensions que le modèle du processus posait problème au PNB, qu’avec la présence de la communauté internationale, les Forums sociaux, et les initiatives unilatérales de la gauche abertzale, il pouvait se sentir mal à l’aise, pas suffisamment mis en avant. D’où sa tendance à vouloir tout ramener à Gasteiz.

Nous avons fait l’effort de comprendre les besoins du PNB, et d'expliquer notre démarches. Par la même occasion, puisqu’il nous avait demandé notre avis, ETA a rédigé un courrier à Urkullu dans lequel, tout en lui faisant part des critiques à l’égard de son attitude, nous lui transmettions notre conviction qu’il pourrait jouer un rôle de choix s’il oeuvrait en faveur du processus.

Cependant, le gouvernement autonome avait utilisé les informations transmises par ETA et la gauche abertzale pour essayer d’affaiblir les initiatives. Le but principal du PNB et du gouvernement autonome n’est pas l’obtention d’une paix raisonnable, mais plutôt celle de miner la gauche abertzale. Et, plus précisément, que l’indépendantisme de gauche soit subordonné à long terme. Le PNB est de plus en plus aligné au gouvernement espagnol, et de plus en plus éloigné de ceux qui ont promu le processus.

En plus, le PNB tire un avantage politique des agressions des Etats. Pour commencer, Arnaldo Otegi qui pourrait être lors des élections l’un des principaux adversaires d’Urkullu, est toujours incarcéré. Et nous pouvons dire de même des arrestations, des procès et de la situation des prisonniers politiques basques, situation qui est à l’origine d’une grande inquiétude au sein de la gauche abertzale. Le PNB et Urkullu tirent profit des agressions des Etats, au lieu de leur faire face.

Il est vrai qu’Urkullu aurait pu être le président de la paix. Mais pour cela, il faut faire preuve de volonté et en avoir la capacité. Et, à ce jour, c’est l’absence de ces aptitudes qui prévaut. Ils ne prennent aucun risque. Au lieu de construire, ils détruisent. Ils font mine de faire quelque chose au lieu de présenter des propositions constructives.

Il se dit également qu’ETA ne fait pas ce qu'il devrait faire.

Ces affirmations reflètent l’involution de certains. Aucune donnée, ni même tous ceux qui ont suivi le processus de près, ne traduisent ces allégations. Il suffit d’observer les étapes du processus : la Déclaration de Bruxelles, l’Accord de Gernika, la feuille de route accordée, la Conférence d’Aiete, les conclusions des Forums sociaux... A chaque fois, ETA a répondu positivement et a tenu tous ses engagements. Et ce, même lorsque toutes les autres parties n’ont pas bougé d’un pouce. Nous pouvons tous faire plus, mais les obstacles pour avancer ne se trouvent pas du côté d’ETA.

Vous aviez pour objectif la résolution des conséquences du conflit et la création des conditions pour dénouer le problème politique. Ce schéma ne s’est pas réalisé...

Non, il ne s’est pas réalisé. A mon avis trois paramètres ont agi. D’une part, la gauche abertzale n’est pas arrivée dans ce processus en ayant conscience qu’elle disposait là de la possibilité d’ouvrir une phase de négociation avec les Etats, et qu'elle se trouvait dans un rapport de force. Elle est arrivée en ayant conclu que, pour avancer dans le processus de libération, il fallait changer de stratégie. Ainsi, ce qui était une décision stratégique devient un levier pour ouvrir le processus de résolution.

D’autre part, l’Etat espagnol se trouve dans une situation opposée. Il était parvenu à juguler la stratégie de la gauche abertzale et ne ressentait donc pas la nécessité d’un processus. Englué dans une crise profonde, il se savait stratégiquement affaibli et dans l’impossibilité de présenter une offre politique dans le cas où le processus politique aurait été amorcé au Pays Basque.

Enfin, la gauche abertzale commençait à recueillir rapidement les résultats du changement de stratégie : elle gagnait en crédibilité, une alliance des forces souverainistes de gauche se réalisait, il y eut de grandes mobilisations. Et surtout, les élections forales et municipales accordaient à Bildu un grand succès. Ce qui déclencha toutes les alarmes, aussi bien dans l’Etat qu’à Sabin Etxea (siège du PNB). Le processus de résolution devenait à leurs yeux plus un risque qu’une opportunité historique pour l’obtention de la paix. Ils en conclurent, que si le processus de résolution réussissait, la gauche indépendantiste se renforcerait d’autant plus.

Peut-il y avoir un quelconque espoir pour la mise en place d’un processus de résolution bilatérale ?

Je n’ai pas l’impression. Cependant, il faudrait travailler à cette éventualité sans pour autant que cela devienne l’axe principal de notre stratégie.

La manière dont nous avons dû réaliser cette interview a fait que le temps s’est écoulé, et nous nous retrouvons à la veille des élections d’Espagne. Que pouvons-nous attendre, dans le domaine politique, de ces élections, de la nouvelle législature, d’un nouveau gouvernement... ? Par exemple, plusieurs questions dont celle de la révision constitutionnelle ont été traitées.

Penser que nous pourrions assister à un processus de démocratisation de l’Etat espagnol dont pourrait découler la reconnaissance du Pays Basque n’a à ce jour aucune crédibilité. Il est insensé de penser que par le seul fait de revendiquer la bilatéralité les accords vont se réaliser. De mon point de vu, ce qui est primordial, c’est de structurer un processus en tant que pays, pour que l’on puisse ainsi créer un rapport de forces qui permette au Pays Basque d’aller de l’avant.

C’est en pointant du doigt l’épuisement des cadres politiques et institutionnels, et en affirmant qu’il existe des perspectives qui permettent d’entrevoir des changements que la gauche abertzale a entrepris la mue de sa stratégie. Je pense que ces affirmations ont plus de sens aujourd’hui, et qu’elles se sont enracinées dans les partis politiques et la société. Le Pays Basque se trouve à l’étroit dans les structures en vigueur qui ne lui proposent aucune solution démocratique. Par conséquent, le chemin doit commencer et finir ici même.

Nous sommes dans une période électorale. Cela fait longtemps qu’ETA n’a pas donné de consigne de vote...

Lorsque en 2011 Bildu avait pu se présenter, ETA avait décidé de ne pas donner de consigne de vote. Pour dire toute la vérité le communiqué avec la consigne de vote était préparé. Cependant, la décision avait été prise de ne pas le publier, pour empêcher que les paroles d’ETA soient utilisées pour de nouvelles persécutions judiciaires et politiques. Une fois encore, ETA n’est pas là pour empêcher d’avancer.

De toute manière, je pense que le constat saute aux yeux : en tenant tête à Franco, en empêchant la stabilisation de la reforme du franquisme, en présentant l’Alternative KAS et l’Alternative Démocratique, en se projetant dans l’avenir avec l’Accord de Lizarra-Garazi, en tentant une nouvelle voie pour la résolution avec la proposition d’Anoeta et en permettant l’ouverture d’un nouveau cycle politique avec “Zutik Euskal Herria”, au-delà les erreurs et les contradictions, les indépendantistes de gauche, dans le respect des compagnons de route ayant des trajectoires différentes, savent pertinemment où doit s’effectuer l’accumulation des forces. ETA n’a aucune consigne à transmettre.