Béatrice MOLLE-HARAN

Une décision de justice attendue

La question n’est pas aujourd’hui de savoir si la stratégie employée fut adéquate ou non, mais de trouver un consensus afin de faire appliquer le droit

Béatrice MOLLE-HARAN
Béatrice MOLLE-HARAN

2 avril 1990-5 juillet 2019. Pratiquement 30 années entre ces deux dates. Vingt-neuf ans et trois mois que Ion Parot, Jakes Esnal, Unai Parot et Xistor Haranburu sont détenus. Ce 5 juillet une décision de justice, d’accorder ou non la liberté conditionnelle à Xistor Haranburu, est attendue. C’est la deuxième fois que le militant basque la réclame, la première lui fut refusée.

Il ne s’agit pas ici de faire pleurer dans les chaumières, l’appartenance à une organisation armée aujourd’hui dissoute a été assumée par ces militants. Et la question n’est pas aujourd’hui de savoir si la stratégie employée fut adéquate ou non, mais de trouver un consensus afin de faire appliquer le droit. Concrètement Xistor Haranburu est depuis 30 années derrière les barreaux, il est “libérable” depuis 2008 et possède toutes les garanties de représentation lui permettant de se réinsérer dans la vie sociale.

Certains observateurs parlent de “tabou” concernant le “commando français”, baptisé ainsi par la presse hexagonale lors de son démantélement en 1990. Commando auquel appartenait Xistor Haranburu et ses camarades. “Tabou” car selon la police espagnole, ce commando aurait accompli plusieurs attentats. Aujourd’hui, si l’on s’en tient à l’application du droit, ces militants ont payé le prix fort. Les garder en prison encore des années de plus équivaut à leur infliger une peine de mort dissimulée. Ajouter de la peine à la peine.

Xistor Haranburu a aujourd’hui 65 ans, il avait 36 ans lorsqu’il fut arrêté. Il fait partie d’une réalité sociale et politique de ce pays, que l’on soit d’accord ou non avec les moyens de lutte employés, et qui l’ont conduit en prison. La déclaration unilatérale d’ETA en octobre 2011 proclamant la fin définitive de la lutte armée, le désarmement et la dissolution de cette organisation ont changé la donne. Aujourd’hui il serait totalement injuste que Xistor Haranburu reste en prison après tant d’années de détention.

Et que l’on ne s’y trompe pas, les personnes engagées dans l’abrupt chemin du processus de paix sont plus qu’attachées à un changement de logiciel, aboutissant à la libération de tous les prisonniers, certes. Mais concrètement aujourd’hui, le maintien en détention de Xistor Haranburu serait vécue ici comme une décison inique, un caillou dans un chemin que des femmes et des hommes de bonne volonté de ce pays tentent de tracer pour construire un avenir aux générations futures.

Et dire aussi que dans ces personnes ayant fait le choix d’accompagner le processus de paix, beaucoup étaient en opposition avec les personnes qu’elles défendent aujourd’hui. Sentant cependant l’impérieuse nécessité de tourner la page, sans oubli.

Ici, le passé, avec ses erreurs et ses fulgurances, est assumé de part et d’autre. Comment pourrait-il en être autrement ? Ce qui n’empêche pas l’exercice de la mémoire et la recherche de vérité, conditions indispensables pour une véritable réconciliation.

Nous souhaitons donc la libération de Xistor Haranburu au nom du droit et de la justice. Son maintien en prison ne sert personne, sa libération est une décision de justice attendue.