Goizeder TABERNA

La réforme du Bac permet de passer les matières scientifiques en euskara

Le ministère de l’Education a annoncé la possibilité pour les candidats au bac de passer les matières scientifiques en langue basque. Simple conséquence de la réforme du lycée.

Cela fait plus de vingt ans que les lycéens demandent de pouvoir passer le bac en euskara. © Isabelle Miquelestorena
Cela fait plus de vingt ans que les lycéens demandent de pouvoir passer le bac en euskara. © Isabelle Miquelestorena

C’est devenu une tradition. A chaque jour d’épreuve de philosophie, les candidats au bac du lycée Bernat Etxepare se rassemblent devant un centre d’examen pour réclamer le droit de passer toutes les épreuves en langue basque. Langue dans laquelle ils les préparent tout au long de leur scolarité dans les sections immersives et bilingues. Or, parmi les engagements du ministre de l’Education énoncés dans un communiqué envoyé par le sénateur Max Brisson, le 23 mai, se trouve la possibilité de composer en basque les évaluations des sciences de la vie et de la terre (SVT) et de physique-chimie au bac.

C’était déjà le cas de l’histoire-géographie et des mathématiques. L'extension du contrôle continu aux matières scientifiques étend aussi la possibilité de les composer en langue basque. Le ministre de l’Education Jean-Michel Blanquer l'a confirmé auprès du sénateur Max Brisson, au préalable sollicité par des professeurs de lycées publics ou privés catholiques enseignant en section bilingue : "les élèves scolarisés dans le système immersif géré par la Fédération Seaska pourront, comme les candidats des lycées publics et catholiques, présenter en langue basque les épreuves communes de contrôle continu d'histoire-géographie mais aussi celles d'enseignement scientifique".

Pour le directeur de Seaska, Hur Gorostiaga, cette annonce n'est pas le fruit d'une volonté politique, mais la conséquence logique de la réforme du lycée. "Maintenant, nous nous retrouvons avec des matières scientifiques évaluées en langue basque au bac et pas au brevet des collèges, alors que c'était aussi le cas avant…", réagit-il, stupéfait.

Dans le bilingue aussi, la réaction est plutôt tiède. Leur analyse est plus globale. "C’est une très bonne nouvelle que l’on puisse passer les sciences en langue basque mais on constate une volonté de développer les sections européennes et ce, au détriment du bilingue si l’on ne peut pas choisir les deux à la fois. Si les élèves du bilingue doivent choisir entre l’euskara et l’espagnol, le risque est qu’ils abandonnent le bilingue", s’inquiète Laida Etxemendi, enseignante de SVT au lycée de Navarre et membre du mouvement d’enseignants Euskara Geroan.

Cet enseignement spécifique disparaîtrait

C’est la réforme du lycée, de façon générale, qui est au cœur de leurs inquiétudes. Les enseignants et associations de parents d’élèves craignent qu’à court terme, les quatre heures d’enseignement du basque propre à la filière bilingue s’évaporent. Le ministre assure que cela ne sera pas le cas à la rentrée 2019, mais après ? A en croire les textes rendus publics, cet enseignement spécifique du basque, clé de la filière bilingue, disparaîtrait. Or, les enseignants sont convaincus du fait que "la filière bilingue ne peut exister que si on lui octroie une dotation horaire spécifique qui se rajoute au cadre global, comme jusqu'à présent".

Max Brisson estime que la décision concernant la rentrée prochaine est contrainte par des arbitrages budgétaires. A chaque rentrée, une décision devrait donc être prise sur cette dotation de quatre heures. Il considère également que le recteur Olivier Dugrip a fait en sorte que la réforme du lycée n’empêche pas le fonctionnement du bilingue. En revanche, il s’indigne du manque de considération de cette section dans la réforme. "Ce qui est inadmissible, c’est qu’on a pensé aux sections internationales, européennes et pas aux langues régionales !", s’exclame-t-il.

Le ministère se défend d’avoir minoré le poids des langues régionales. "Les élèves pourront choisir un enseignement de langue et culture régionale en langue vivante B, en langue vivante C ou en enseignement de spécialité. Cela peut représenter jusqu'à 23 % du total de la notation finale du baccalauréat, soit plus qu’actuellement", répond-il dans la note. Cela correspondrait aux élèves inscrits à l’actuel bac littéraire ayant opté pour la langue vivante 2 renforcée dont le coefficient est de 20 %. Ce qui n’aurait rien à voir avec l’offre bilingue, d’après les enseignants, mais avec une spécialité destinée aux élèves littéraires. Or, la grande majorité s’oriente vers le bac scientifique ou économie et social.

Réactions inédites

Pour ceux-là, reste l’option "langues régionales" qui, elle, est dévalorisée. Le coefficient de l’option basque descendrait de 2,5 à 5% selon les filières, à 1%. "Elle entre ainsi directement en concurrence avec les autres options (pelote, rugby, musique….). Contrairement au latin qui, lui, peut être cumulé avec une autre option", regrettent les membres d’Euskara Geroan. Ils souhaitent qu’elle garde à minima le même statut que le latin.

La remise en cause de la filière bilingue de ces derniers mois a suscité des réactions inédites. Les différentes associations d’enseignants et de parents d’élèves, du primaire comme du secondaire, ont convergé et participé à une initiative commune. Et le président de la Communauté d’agglomération Pays Basque Jean-René Etchegaray s’est engagé à présenter une délibération au prochain conseil communautaire (233 membres) du 29 juin. "Nous allons demander au Gouvernement de changer de position sur cette question", résume le président. Les courriers envoyés aux ministres Jean-Michel Blanquer et Jacqueline Gourault n’ont pas eu de suite. Celui envoyé par les président et vice-présidents de l’Office public de la langue basque non plus.