Iurre BIDEGAIN

“Le changement est aimer et faire vivre la tradition dans le temps”

L’anthropologue et danseur Oier Araolaza a offert deux conférences à Saint-Palais et Saint-Étienne-de-Baïgorry sur la construction des identités de genre dans la danse traditionnelle. Une réalité toujours vivante dans de nombreuses coutumes du Pays Basque.

L’anthropologue et danseur Oier Araolaza. ©Jaizki Fontaneda-Foku
L’anthropologue et danseur Oier Araolaza. ©Jaizki Fontaneda-Foku

La construction des identités de genre dans la danse traditionnelle, c'est le thème étudié par l’anthropologue et danseur Oier Araolaza. Il a récemment eu l'occasion de partager sa réflexion à Saint-Palais et Saint-Etienne-de-Baïgorry.

Cette construction d’identité de genre dans la danse a évolué au cours de l’Histoire, et s'est renforcée en particulier aux XIXème et XXème siècles. Alors, la distinction entre danseurs et danseuses s’accentue, d'après le chercheur, du fait de la biologisation des sexes. "D'un point de vue scientifique, la différence entre les hommes et les femmes est revendiquée. En s’appuyant sur cette idée, cette différence est justifiée non seulement concernant le corps, mais aussi le comportement en public", explique-t-il. Ainsi, les hommes et les femmes ne bougent pas, ne font pas la fête et ne dansent pas de la même manière.

L’anthropologue croit que cette vision du monde est aussi reflétée dans la danse traditionnelle. "Elle est utilisée pour réaffirmer cette vision", estime-t-il. Ces idées sont véhiculées à travers la danse et le corps.

Depuis, des avancées ont été réalisées sur le sujet. Mais dans la danse, le chemin est encore long. "Changeons les mots. Lorsque nous parlons de sexe ou de genre, utilisons le mot race, autre construction culturelle. Personne ne peut écarter une personne à cause de la couleur de sa peau", suggère-t-il. Autant le racisme n'est pas accepté, autant cette même détermination ne se retrouve pas dans le monde de la danse concernant le genre.

L'espoir

Ce sujet crée des débats dans beaucoup de groupes de danse, au Pays Basque. Il y a deux ans, une consultation avait été organisée à Luzaide (Nafarroa) pour savoir si les filles pouvaient exécuter les mêmes danses que les garçons. "A mon avis, les droits ne doivent pas être sujets à consultation. Ils doivent être respectés, c’est tout", pense Oier Araolaza. Cette consultation aurait été inacceptable, selon lui, si à la place du mot "femmes", on aurait eu le mot "noirs". "Un habitant du village n’a pas le droit d’interdire la participation dans un événement à un autre", insiste-t-il.

Il croit fermement que cette question évoluera avec les nouvelles générations. Des générations qui ne conçoivent pas la différenciation des sexes comme par le passé. D'autant que les traditions sont en constante évolution. "Le changement ne va pas à l’encontre de la tradition, au contraire. Le changement signifie aimer et faire vivre la tradition dans le temps", pense le chercheur.

Oier Araolaza est optimiste quant au futur. Il pense qu’un jour, les hommes et les femmes danseurs n’existeront plus, il n'y aurait que des danseurs. Un modèle idéal à atteindre, pas à pas.