Béatrice MOLLE-HARAN

Euskara : un décalage de plus en plus flagrant

Béatrice Molle-Haran. © Sylvain Sencristo
Béatrice Molle-Haran. © Sylvain Sencristo

A l’occasion de l’examen de la loi sur la Collectivité européenne d’Alsace par les sénateurs, la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, Jacqueline Gourault, a affirmé que “l’enseignement immersif est possible, bien sûr dans des écoles privées comme les Diwan, mais pas dans les écoles publiques, car on ne peut pas raisonnablement l’imposer aux parents”.

Comme un écho aux mobilisations en cours dans plusieurs écoles publiques du Pays Basque Nord demandant l’ouverture de postes à la rentrée prochaine pour un enseignement immersif, ouvertures de postes bloquées par le ministère de l’Education nationale.

Euskal Konfederazioa a rétorqué, exprimant sa colère et démentant notamment les propos de la ministre rappelant qu’avec ce système, “les enfants apprennent en basque à la maternelle puis également en français à partir du primaire. L’immersion est la seule solution pour qu’un enfant francophone unilingue entrant à l’école en ressorte bilingue”. De plus le système immersif n’est pas “imposé” aux parents et repose exclusivement sur le choix des parents. Nous ne pouvons imaginer que la ministre ne soit pas au courant de ces postulats. Dans le cas contraire, cela témoignerait du manque d’intérêt et d’informations concernant l’enseignement en langue territoriale.

Dans les deux cas envisagés, ignorance ou volonté politique affirmée, ces déclarations jacobines d’un autre temps témoignent de la position d’un gouvernement souhaitant paradoxalement incarner un nouveau monde. De nombreux élus du Pays Basque Nord ont réagi expimant leur déception et leur opposition à ces propos. Des propos mettant en lumière un décalage croissant entre la volonté exprimée par les habitants des territoires concernés et le gouvernement. Décalage d’autant plus grand, en plein déroulement de la Korrika 2019 mettant en exergue la ferveur et l’attachement sans faille d’un territoire envers sa langue.

Au-delà de ces déclarations, les ministres passent, et le combat pour l’euskara continuera. Cela témoigne aussi d’un manque de respect envers les élus locaux se battant avec les moyens du bord de plus en plus restreints, afin de promouvoir l’euskara. Les parents d’élèves et leur progéniture d’Irissarry, Ainhoa, Anglet, Ahaxe et autres écoles à l’avenir sont-ils des citoyens de seconde zone ne pouvant bénéficier d’un service public digne de ce nom pour l’éducation de leurs enfants ? N’ est-ce pas le rôle de l’Education nationale de mettre les moyens adéquats lorsqu’une volonté forte et réaliste s’exprime ?

Ces positions témoignent aussi de la politisation dans le mauvais sens du terme de cette problématique d’enseignement de langues territoriales et d’affrontement voulu entre langue dominante et langue dite dominée. La langue basque est le patrimoine de tous, et n’appartient à personne. Paradoxalement par ces déclarations, la ministre met des limites à cet enseignement immersif et le reproche de ghettoisation souvent fait aux défenseurs de l’euskara se retourne contre elle. Au final, la démonstration éclatante du succès de la Korrika 2019 et les politiques volontaristes de beaucoup d’élus locaux compensent certes, ce qui est un déni de droit de la part du gouvernement. Ce qui n’empêche pas de dénoncer l’injustice concernant l’enseignement du basque. Et son indispensable réparation.