Goizeder TABERNA

L’Etat et le Département refusent de financer le local d'accueil des migrants

Le président de l’Agglo Jean-René Etchegaray souhaite partager le coût du nouveau lieu d’hébergement provisoire. Pour l’instant, aucune collectivité n’a répondu favorablement.

Jean-René Etchegaray a évoqué son intention de demander la participation financière d'autres collectivités lors du conseil municipal de décembre. © Bob EDME
Jean-René Etchegaray a évoqué son intention de demander la participation financière d'autres collectivités lors du conseil municipal de décembre. © Bob EDME

Ils étaient là, il fallait faire quelque chose. Mi-novembre, le maire de Bayonne a mis à disposition des associations un local d’accueil pour les migrants en transit d’une capacité de 200 places. Seulement, cette décision prise face à l’urgence humanitaire a un coût d’environ 71 000 euros par mois et 151 000 euros d'investissement, mais l’Etat et le Département ne semblent pas résolus à mettre des sous dans le pot. La Région étudie la demande.

Chef de file dans les politiques relatives à l’immigration, l’Etat ne participera pas au financement de ce dispositif actuellement à la charge de la Communauté d’agglomération Pays Basque, comme l’a affirmé le sous-préfet de Bayonne Hervé Jonathan, en marge de la cérémonie des vœux. Il craint l’appel d’air. "En matière d’immigration irrégulière, une décision prise à Bayonne doit être pensée aussi en fonction de ses conséquences à Hendaye, à Bordeaux ou à Paris et être cohérente avec la lutte contre les passeurs", écrit Hervé Jonathan dans sa réponse envoyée par la suite à MEDIABASK. De ce fait, il rappelle à qui de droit que le principe de responsabilité et la solidarité nationale "imposent à chaque collectivité publique de prendre des décisions qui tiennent compte de leurs impacts au-delà de leur seule aire géographique".

Or, le phénomène était visible bien avant l’ouverture du local à la rive droite de Bayonne. Il justifie tout de même sa position par l’évolution des flux migratoires d’entrée dans l’Union européenne qui se sont déplacés de l’Italie vers l’Espagne en 2018. "Sur les neuf premiers mois de l’année, on est passé à peu près à 18 000 entrées par mer en Espagne contre 6 500 pour l’année précédente", note-t-il. S’en est suivi le renforcement du dispositif policier à Hendaye, car la politique de l'Etat s'appuie sur deux piliers : l’accueil des personnes persécutées et une politique de fermeté à l’égard de l’immigration irrégulière. La Police de l’air et des frontières et les CRS ont refusé l’entrée à 8 300 étrangers en situation irrégulière, chiffre en augmentation de 80 % par rapport à la même période de l’année dernière.

Le Conseil départemental, lui, ne voit pas le dispositif d’un mauvais œil, bien au contraire, mais concernant son financement, il est catégorique : "ma réponse va être : chacun son initiative, chacun ses responsabilités". Le président Jean-Jacques Lasserre dans un entretien accordé à France Bleu a affirmé vouloir rencontrer Jean-René Etchegaray pour une prise en charge collective de ce dossier, mais pour évoquer ses deux volets : les migrants et les mineurs non accompagnés.

3 007 personnes accueillies

L’élu départemental veut faire valoir son travail accompli auprès de cette population vulnérable dont il a la charge, avant de financer quoique ce soit. "Nous passons de 200 à 400 [mineurs non accompagnés] en l’espace d’une année. [Chacun d’entre eux] coûte entre 3 000 et 6 000 euros mensuels [au Département]", a-t-il précisé. Il a dit vouloir demander à son collègue des locaux pour trouver des solutions d’hébergement convenables aux mineurs non accompagnés.

Certains d’entre eux passent par le local de Bayonne baptisé "Pausa". Ils sont 500 depuis son ouverture. Il faut ajouter à ceux là une centaine de plus arrivés avec un adulte. En tout, d’après les chiffres donnés par la Ville, 3 007 personnes se sont arrêtées à Pausa avant de rejoindre les grandes villes de l’Hexagone. 2 685 hommes et 322 femmes pris en charge par les bénévoles de Diakité et les salariés d’Atherbea.

Un mouvement de population qui n’aurait pas besoin de structure spécifique, selon le sous-préfet, "sachant qu’en France, et c’est tout à son honneur, toute personne qui se trouve à la rue en situation de vulnérabilité caractérisée peut être hébergée provisoirement dans des structures financées par la puissance publique". Les 55 places d’hébergement d’urgence et les 44 du plan hivernal (de décembre à mars) ne suffisent pourtant pas à répondre à la demande. Avant l’ouverture de Pausa, ces structures étaient saturées. Depuis la crise économique de 2008, Bayonne voit passer beaucoup de migrants.