Béatrice MOLLE-HARAN

Pour le respect du droit commun

Car la paix concerne chacun et chacune d’entre nous. La bataille n’est pas terminée, elle est à mener sans angélisme ni pessimisme de mauvais aloi, mais avec vigilance

Béatrice Molle-Haran. © Sylvain SENCRISTO
Béatrice Molle-Haran. © Sylvain SENCRISTO

Tout ce que l’on fait pour les prisonniers n’est pas contre les victimes (...). C’est un processus global et les victimes sont un élément constitutif et au cœur de nos pensées. Après le désarmement ou la dissolution, il faut passer par le stade des prisonniers. Chaque étape valide la précédente et engage la suivante. Ou dévalorise la précédente si elle ne peut aboutir” expliquait au journal Enbata Michel Berhocoirigoin, membre de la délégation basque auprès du ministère de la justice. Ce 12 janvier aura lieu simultanémement à Bayonne et à Bilbo une manifestation en faveur des droits des prisonniers basques, un rituel annuel que l’on souhaiterait qu’il ne fut plus immuable tant objectivement la situation a totalement changé.

Avec cette année, une acuité particulière après l’annonce par ETA de sa dissolution le 3 mai dernier, organisation à laquelle appartenait les prisonniers basques toujours incarcérés. En 2018, pour la première fois dans l’Etat français, plusieurs prisonniers basques ont été transférés vers des prisons plus proches du domicile de leurs familles, des statuts de DPS ont été levés, mais depuis le mois de juillet, les discussions bloquent entre la délégation basque chargée d’un dialogue avec le ministère de la Justice concernant les droits des prisonniers. Hélène Davo, directrice adjointe du cabinet de ce ministère (voir dossier p.8) et interlocutrice officielle de la délégation basque, laisse sa porte ouverte mais avance des questions de respect par rapport aux victimes de la lutte armée d’ETA et à certaines associations dont elles font partie. Chacun ici est dans son rôle et la crise que traverse actuellement la continuité de ces discussions incite à ne pas baisser la garde et a réaffirmer haut et fort que le droit commun doit s’imposer pour les prisonniers basques. Et qu’une véritable réparation de toutes les souffrances passera inévitablement par la reconnaissance de tout ce qui fut. C’est le prix à payer pour une paix juste et durable.

Reste donc à convaincre ceux et celles, qui inconsciemment, ou pour d’autres instrumentalisés politiquement, restent ancrés dans des schémas du passé. Et vivent comme une humiliation, ce qu’ils considèrent à tort comme des concessions ou du “blanchiment” selon l’expression consacrée. Or, aujourd’hui, concernant les prisonniers basques il ne s’agit pas de concessions à accorder mais du simple respect du droit commun. Ne doutons pas cependant que la solution est aussi politique et passe par un changement de paradigme en Pays Basque Sud. Avec notamment le transfert par Madrid de la compétence des prisons au gouvernement de Gasteiz. Et l’on souhaite que les partis majoritaires dans cette communauté (PNB, EH Bildu, PSE, Podemos) favorables à ce transfert inscrit dans le statut d’autonomie, et aux mesures qui en découleraient pour les prisonniers basques fassent montre de plus d’unité et de pugnacité. Notamment pour le premier parti de ce territoire qu’est le PNB (Parti nationaliste basque) au pouvoir depuis des décennies. Avec aussi la continuité d’une remise en question dans le monde abertzale afin qu’après l’arrêt définitif de la lutte armée, souffle un air nouveau et une ouverture encore plus grande vers la différence. Un pari en passe d’être gagné en Pays Basque Nord où malgré les différences d’approche, la pluralité politique des appels à se mobiliser ce 12 janvier est bien présente. Car la paix concerne chacun et chacune d’entre nous. La bataille n’est pas terminée, elle est à mener sans angélisme ni pessimisme de mauvais aloi, mais avec vigilance. Soyons nombreux à Bayonne et Bilbo, pour au-delà de nos différences, montrer notre détermination, afin de convaincre.