Anaiz Aguirre Olhagaray

Des robes noires aux reflets jaunes

En grève depuis jeudi dernier pour protester contre le projet de loi de réforme de la Justice, les avocats du barreau de Bayonne ont manifesté ce mardi matin devant le siège local de la Caisse des allocations familiales (CAF). Ils ont marché ce 12 décembre pour défendre une “Justice pour tous”.

Les avocats plaident pour une justice au service de la population. © Isabelle MIQUELESTORENA
Les avocats plaident pour une justice au service de la population. © Isabelle MIQUELESTORENA

Les revendications des robes noires seront-elles entendues ? Le barreau de Bayonne multiplie ces derniers jours les actions de mobilisation en opposition au projet du gouvernement d’Emmanuel Macron de moderniser la justice. La loi, votée par l’Assemblée nationale dans la nuit de mardi à mercredi, prévoit notamment de transférer aux directeurs de CAF le pouvoir de statuer sur l’attribution de la pension familiale, sans laisser au justiciable la possibilité d’effectuer un recours. Pour les robes noires, c’est un pas de plus vers la disparition d’une justice de proximité, et d’un service public.

"Sur une idée farfelue, nos gouvernants ont décidé de confier les demandes présentées par les justiciables devant le directeur de la CAF qui, lui, statuera sans débat contradictoire et qui n’entendra pas les différentes parties. Il recevra des réclamations écrites et fixera une réponse selon un barème qui lui sera donné", s’indigne le bâtonnier François Hourcade, qui parle plutôt d’une "suppression" de la justice et non pas d’une réforme.

Une justice qui s’éloigne des territoires

Une décision que le directeur de la CAF prendra, et exécutera. "Ce qui ne s’est jamais vu !" s’exclame l’avocat bayonnais. "Un juge ne peut pas rendre une décision avec un barème, ça n’existe pas, c’est interdit. Ici, le directeur aura un barème qu’il appliquera, et il exécutera lui-même les sentences qu’il aura prononcées, puisqu’il a les pouvoirs de faire les retenues sur les divers régimes sociaux". En somme, la CAF se retrouverait dans les affaires familiales à la fois juge et partie.
L’avocat dénonce une "vraie disparition" et "attaque" au droit des justiciables, "sous couvert d’une modernité de pure façade et de coût de la justice".

Les avocats ont défilé ce 12 décembre pour protester contre la disparition de la justice de proximité. © Isabelle MIQUELESTORENA

Dans une lettre ouverte adressée le 10 décembre au Président de la République, la Conférence des bâtonniers redoute les autres mesures envisagées par le projet de loi : "La fusion des tribunaux d’instance et de grande instance, la spécialisation à marche forcée des juridictions, la dématérialisation de la saisine du juge et du suivi de certaines procédures, le recul des droits de la défense...".

Les bâtonniers jugent que "dans le contexte difficile que nous traversons, la justice ne doit pas être un élément de fracture sociale et territoriale supplémentaire. Tout au contraire, elle doit demeurer un élément majeur de cohésion devant laquelle tous les citoyens sont égaux. Elle est le dernier rempart de nos démocraties". La justice, bientôt un produit de luxe ?