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Alain Iriart : “Sans les élus, ça sera l’échec de la Communauté d’agglomération”

2019 est un rendez-vous à ne pas manquer, d’après Alain Iriart. Le vice-président de la Communauté d’agglomération Pays Basque et maire de Saint-Pierre-d’Irube pense que les choix faits pendant cette période pèseront très fortement sur le devenir du mode d’organisation et sur la vie des habitants de ce territoire. Les élus devront procéder à quelques ajustements d’ordre organisationnel au sein de l’Agglo.

Alain Iriart. © Nahia GARAT
Alain Iriart. © Nahia GARAT

Plus de proximité, plus de moyens dans les territoires pour agir, c’est le souhait d’Alain Iriart. Entre des tas de documents de comptabilité et un téléphone qui n’arrête pas de sonner, l’expert comptable et élu abertzale ouvre une parenthèse pour expliquer les enjeux de la réflexion en cours au sein de la Communauté d’agglomération. Il partage globalement les critiques entendues sur les bancs du conseil communautaire et met en garde sur le risque de centraliser le pouvoir à Bayonne. Le débat a déjà été lancé dans les territoires et se poursuivra lors du conseil communautaire du 15 décembre prochain. La prise des compétences facultatives et optionnelles sera à l’ordre du jour de ce conseil qui s’annonce long.

La réflexion sur le projet communautaire est en cours dans les pôles territoriaux. La participation est-elle satisfaisante ?

Alain Iriart : La participation est importante parce que l’attente des élus est importante. Il y avait la nécessité de renouer le dialogue entre tous les élus, pas simplement les plus impliqués. En revanche, il faudra tous ces débats pour restaurer une confiance qui s’est essoufflée au fil des mois.

Au départ, le projet communautaire, la politique territoriale et la prise de plus de compétences faisaient partie de la même réflexion. Le 15 décembre, les compétences uniquement seraient à l’ordre du jour du conseil communautaire. Qu’est-ce qu’il en est ?

A. I. : La méthode est en train d’être calée, mais l’idée est tout de même de répondre d’abord aux obligations légales sur les compétences. Politiques publiques, organisation, tout cela doit être beaucoup plus débattu dans les anciennes communautés d’agglomération et communautés de communes. Peut-être qu’il y aura un décalage mais les deux devront marcher ensemble.

Le choix des délégations ne devait-il pas découler du projet choisi pour ce territoire ?

A. I. : En prenant les compétences, on sait les contours de la compétence, on détermine le cadre dans lequel on va exercer. Le projet de territoire, lui, fixe les ambitions que l’on donne à ces politiques.

Va-t-on vers la modification du pacte de gouvernance et du pacte fiscal ?

A. I. : Pas forcément. Le pacte de gouvernance règle notre fonctionnement ; les discussions actuelles sur les compétences et les projets communautaires ne le modifient pas. En fonction des débats portant sur les attributions à donner aux anciennes communautés de communes, le pacte pourrait être complété.

Et dans le cas de regroupements d’anciennes intercommunalités, comme le propose le président de la Communauté d’agglomération, les règles de représentativité devraient être modifiées ?

A. I. : Oui, dans le cas de regroupement, on devrait adapter le pacte de gouvernance. Mais aujourd’hui, que je sache, ce n’est pas au débat. On dit que le nombre de pôles territoriaux peut évoluer, mais tant qu’il n’y a pas de demande des élus, on laisse juste étudier une piste de possibles regroupements. Je pense qu’avant cela, il y a suffisamment de travail pour mettre en place la Communauté d’agglomération et pour que les élus soient au cœur du dispositif. Beaucoup d’élus se sentent dépossédés du travail qu’ils faisaient précédemment. Il faut corriger cela par de l’organisation. C’est le sens des travaux en cours.

Quant au pacte fiscal, la prise de compétences se traduira-t-elle forcément par sa modification ?

A. I. : Le pacte fiscal ne fixe pas la fiscalité, c’est un pacte de solidarité. Il établit deux règles : la fusion des intercommunalités ne doit pas peser sur les foyers et si des dotations de l’Etat venaient à diminuer, il ne faut pas qu’il y ait d’incidence sur les communes. La fiscalité peut varier selon le budget que l’on décide, les taux peuvent être modifiés.

La réflexion sur la politique territoriale va-t-elle désamorcer le scepticisme ambiant chez les élus ?

A. I. : Le scepticisme, je l’entends, mais je vois aussi de l’enthousiasme. On a plutôt tendance à regarder les aspects négatifs. La Communauté d’agglomération, c’est d’abord une chance de mettre en place des politiques majeures à l’échelle du Pays Basque. C’est un atout qui, à moi en tout cas, me rend enthousiaste. C’est un exercice collectif et il ne faudrait pas laisser des élus qui étaient très impliqués au bord de la route. Ce sont les élus qui doivent décider, pas les services de l’Agglo. Et nous, élus, nous devons aussi prendre nos responsabilités.

Vous avez dit qu’il faut mettre les élus en position de "faire". En même temps, les pôles ne sont pas des lieux de décision. Comment met-on l’élu en position de faire ?

A. I. : Avant, quand les élus débattaient d’un projet de leur secteur, ils étaient aussi chargés de le réaliser. Au sein de la Communauté d’agglomération, ces projets doivent continuer à être débattus en conseil de pôle territorial, choisis, affinés, présentés aux instances de la Communauté d’agglomération pour qu’ils puissent se réaliser. Il ne faudrait pas que les communes transmettent directement leurs projets aux instances communautaires sans passer par le débat préalable dans leur secteur.

Certains craignent que les nouvelles commissions territoriales qui se tiendraient dans les anciennes communautés de communes et d’agglomération seraient des coquilles vides. Partagez-vous cette analyse ?

A. I. : Certains le craignent et d’autres ne veulent pas de commission dans leur pôle. Je ne suis pas de ceux-là. Je pense qu’on peut mener ce travail à condition que les élus soient impliqués et que l’on reconnaisse leur participation en mettant à leur disposition des moyens et un rôle. Cela ne doit pas être que des lieux de transmission d’informations, mais des lieux de projets.

Les élus des petites communes qui ont souvent un métier à côté et peu de moyens pour gérer les affaires municipales voient le nombre de réunions et les kilomètres parcourus augmenter…

A. I. : C’est la réalité. Je l’ai entendu de beaucoup de maires. Souvent, ils sont le seul représentant de leur commune et ils ne peuvent pas aller à toutes les commissions et traverser le Pays Basque plusieurs fois par semaine. En revanche, il est possible et même souhaitable que le maire ou l’adjoint ne soit pas le seul représentant en commission. Elles sont ouvertes à tous les élus. Sans la présence forte des élus, je pense que ça sera l’échec de la Communauté d’agglomération.

Nous entrons en 2019, la dernière étape pour la CAPB avant les élections municipales. Qu’est-ce qui est en jeu ?

A. I. : Pour que les politiques publiques soient déclinées à l’échelle du Pays Basque, il faut que nos instances de débat et de décision soient véritablement rodées et calées avec l’accord de tout le monde pour la fin 2020. A partir de là, nous pourrons être dans l’élargissement des politiques.

Pourquoi cette phase ne pourrait pas se prolonger après 2020 ?

A. I. : Si on reste dans le flou, si on ne prend pas en compte l’attente des élus aujourd’hui, on risque de mettre en péril le beau projet auquel nous avons souscrit. Pour que le projet Pays Basque se mette en oeuvre, il ne suffit pas d’une institution voulue, il faut que les acteurs qui l’animent puissent avoir les moyens de le faire. Plus on attend, plus les places laissées vides seront complétées par l’institution elle-même.

Deux ans après la création de la CAPB, comment se situent les abertzale vis-à-vis des politiques menées ? On ne peut pas dire qu’ils jouent un rôle d’opposition...

A. I. : Il y a une volonté des abertzale de faire en sorte que la Communauté d’agglomération se mette en place. Nous avons une forte volonté de faire avancer l’idée du Pays Basque et la mise en œuvre de politiques solides et efficaces qui vont dans le sens de ce qu’on a toujours défendu. Aujourd’hui, les abertzale sont bien représentés dans l’Agglo et ils auront la place qu’ils vont prendre.