Xermin CAMBLONG

PAC ou pas PAC ?

Lurrama se tiendra du 16 au 18 novembre à Biarritz avec, cette année encore, une programmation riche en conférences et animations. L’occasion d’évoquer l’un des grands enjeux qui touche le secteur agricole : la Politique agricole commune (PAC).

Une réforme de la PAC est annoncée pour courant 2020. © Gaizka IROZ
Une réforme de la PAC est annoncée pour courant 2020. © Gaizka IROZ

La Halle d’Iraty de Biarritz sera les 16, 17 et 18 novembre le théâtre de la 13e édition de Lurrama ; salon de l’agriculture paysanne. De nombreux producteurs et 600 bénévoles s’entraideront pour animer cet événement qui ne cesse de gagner en popularité. Une affluence en hausse qui s’explique par la qualité du rendez-vous mais qui semble puiser ses racines – aussi et surtout – dans l’intérêt grandissant des visiteurs et consommateurs concernant la promotion d’une agriculture alternative, soucieuse de paramètres trop longtemps occultés.

Articulé cette année autour de la thématique “Pour une politique agricole alimentaire !”, Lurrama souhaite mettre en exergue l’importance de la réforme de la Politique agricole commune (PAC). Autour d’un slogan simple mais efficace qui rappelle que la vocation première et majeure de l’agriculture reste avant tout celle de nourrir.

Qu’est-ce que la PAC et pourquoi ?

Entrée en vigueur en 1962, la PAC est une politique mise en place à l’échelle de l’Union européenne. Elle a été conçue initialement à la sortie de la Seconde Guerre mondiale pour moderniser et développer l’agriculture, par le biais de subventions et de contrôles de prix afin de produire davantage tout en assurant au consommateur des prix abordables.

Au fil des années, la PAC a subi des modifications et continue aujourd’hui encore d’évoluer, ce qui rend son appréhension absconse. D’autant plus problématique lorsque l’on sait que 80 % des producteurs en sont dépendants aujourd’hui dans l’Hexagone. Une dépendance qui s’explique notamment par la hausse du prix des matières premières et une stabilité des prix de vente.

Elle est scindée en deux parties avec d’une part les aides du premier pilier (paiement de base, paiement redistributif, paiement vert...) et d’autre part celles du second pilier (aide ICHN, laquelle compense les handicaps naturels comme la zone montagne, par exemple...).

La réforme de la PAC

A travers toute une série de conférences et de tables-rondes diluées sur trois jours, les acteurs du secteur agricole et les intervenants vont s’employer à disséquer et à formuler des propositions concernant la réforme de la PAC actuellement dans les tuyaux. Une réforme qui devrait intervenir courant 2020, puisque la tenue des élections européennes de 2019 risque de ralentir le processus.

Parmi ces intervenants, on dénote la présence de Gerard Choplin, analyste-rédacteur indépendant sur les politiques agricoles et accessoirement parrain de l’édition de cette année. Il suit de près l’évolution de la réforme de la PAC et assiste en parallèle le comité européen des régions dans sa formulation d’avis et d’amendements.

Dans cette guerre des lobbies, il souligne l’importance de faire entendre la voix des plus démunis et par conséquent, des plus dépendants des aides de la PAC, face à la puissance des lobbies qui défendent les intérêts financiers des plus grands, comme Lactalis. Un avis partagé bien entendu par Iñaki Berhocoirigoin, président de Lurrama.

A juste titre, tous deux ne sont pas très optimistes concernant la réforme à venir puisqu’ils soulignent notamment le fait que le budget alloué à la PAC, l’une des dépenses les plus importantes de l’Union européenne, pourrait être ponctionné pour des raisons multiples. En tête de ces raisons, la probable sortie de la Grande-Bretagne de l’Union européenne, auparavant contributeur net à la PAC.

De surcroît, ils mettent en lumière l’incohérence de la dernière réforme actuellement en application concernant la redistribution inégalitaire des subventions. En effet, auparavant calculée en fonction de la production, elle se mesure désormais à l’hectare, ce qui favorise les grosses exploitations au profit des plus petites. Subventions qui ne connaissant en outre aucun plafond.

La Confédération Paysanne n’a eu de cesse depuis l’entrée en vigueur de cette réforme de la contester, préférant plutôt la redistribution des subventions à l’emploi et non au domaine d’exploitation tout en exigeant, en parallèle, un prix proportionnel au coût réel de production.

Dans la même veine, Gérard Choplin insiste sur l’importance de tenter d’instaurer dans la nouvelle réforme un cadre juridique plus restrictif à ce nouveau système de redistribution de la valeur ajoutée. Un palliatif qui pourrait être par exemple, celui proposé et, partiellement institué par Stephane le Foll lorsqu’il était ministre de l’Agriculture : donner plus de subventions pour les 50 premiers hectares.

De la nécessité d’une réforme structurelle

Gérard Choplin se veut réaliste, il admet qu’il est important de tenter de tempérer les effets néfastes que porte en elle la réforme, mais qu’au delà, c’est un changement structurel global qu’il conviendrait d’opérer.

Dans un système néo-libéral obéissant aux fluctuations des cours mondiaux dans le secteur agricole, il est très difficile de venir en aide aux petites exploitations, qui perdent en compétitivité face aux grosses exploitations. Cette politique de contrôle des prix par tous les moyens maintenus à un faible montant, ne permet pas à la plupart des producteurs de vivre de leur production. Ce qui les rend tributaires de subventions qui comme précédemment évoqués, leur sont paradoxalement de moins en moins accessibles.

“L’idéal serait une régulation du marché, que les prix soient corrects pour les consommateurs sans qu’il y ait saturation”, poursuit Choplin. Or, depuis 1992, l’Union européenne n’a eu de cesse de déréguler le marché, en faisant disparaître par exemple les quotas laitiers.

La grande distribution et l’industrie agroalimentaire semblent être les grands gagnants des politiques appliquées ces dernières années. Dans le même temps, des petits exploitants sont forcés de cesser leurs activités chaque semaine, faisant de l’agriculture le secteur dans lequel le taux de suicide est le plus élevé.

 

Lurrama : 13e édition

Lurrama : La ferme Pays Basque à Biarritz ouvre les portes de son salon de l’agriculture alternatif du 16 au 18 novembre et invite à partager un moment convivial. A la Halle d’Iraty, l’association Euskal Herriko Laborantxa Ganbara se charge d’aménager le site afin de répondre aux besoins de chacun, avec notamment un espace dédié aux enfants. Au menu : produits frais à boire et à manger.

Plusieurs conférences, tables rondes et animations vont joncher les trois jours de cette édition 2018. Des débats articulés autour du slogan suivant : “pour une politique agricole alimentaire !” qui permet le traitement d’un panel de sujet cruciaux. Allant de la réforme de la PAC, en passant par la question du lobbying pour enfin terminer par des questions telles que l’avenir de la ZAD depuis l’abandon du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes.

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