Goizeder TABERNA

Décentraliser quand les décisions se prennent à Bayonne : un exercice délicat

La Communauté d’agglomération Pays Basque a ouvert une grande réflexion sur le projet communautaire. Tous les maires sont invités à y participer lors d’une réunion organisée en partenariat avec le Biltzar des communes, initialement prévue ce samedi 17 novembre mais finalement reportée au 8 décembre.

Lors de sa création, en janvier 2017, la CAPB avait rédigé un pacte de gouvernance afin que le territoire soit représenté de façon juste. La question semble dépasser l'équilibre des chiffres. © Isablle MIQUELESTORENA
Lors de sa création, en janvier 2017, la CAPB avait rédigé un pacte de gouvernance afin que le territoire soit représenté de façon juste. La question semble dépasser l'équilibre des chiffres. © Isablle MIQUELESTORENA

Re-territorialiser, re-créer, re-responsabiliser… La nostalgie semble s’être emparé des élus du Pays Basque Nord. La volonté de revenir vers un mode de fonctionnement de proximité est partagé par tous, mais personne n’a pour l’instant trouvé la recette. L’exécutif de la Communauté d’agglomération Pays Basque (CAPB) a voulu apporter les premières réponses concrètes. Elle co-organisera le 8 décembre prochain avec le Biltzar des communes une réunion à ce sujet à Louhossoa. Elle sera ouverte aux 158 maires du Pays Basque Nord.

La réflexion sur le projet communautaire menée depuis septembre 2017, et en particulier en ce mois de novembre, a notamment l’ambition de renforcer les liens entre l’Agglo et les communes, d’où leur implication. D’autant que le Biltzar rassemblant les élus municipaux a pour mission la coordination entre les communes et la Communauté d’agglomération.

A ce jour, sa participation aux débats en cours est quasiment nulle. "Nous avons eu peu d’éléments en notre possession pour pouvoir apporter notre avis, même si des conférences de territoire ont été organisées pour parler du projet communautaire ; on ne nous a pas apporté d’éléments assez concrets. C’est cette frustration des élus que nous voulons communiquer à cette réunion", confie Lucien Betbeder, le président du Biltzar et maire de Mendionde.

Avec la création de la Communauté d’agglomération Pays Basque le 1er janvier 2017, les instances de décision se sont concentrées à Bayonne. Contrairement aux apparences, le malaise ne vient pas uniquement de l’intérieur des terres. L’élu bayonnais Jean-Claude Iriart l’a signalé lors du dernier conseil communautaire, le pôle territorial de l’ancienne Agglomération côte basque-Adour se réunira pour la première fois en deux ans dans les jours à venir.

Une proposition en cinq points

Les quatre conférences territoriales sur le projet communautaire organisées au printemps dernier ne semblent pas avoir apaisé les esprits. Cette fois, l’Agglo a mis les bouchées doubles et a organisé des réunions dans les dix pôles territoriaux (anciennes communautés de communes et d’agglomération). Ce sera l’occasion pour elle de présenter et de débattre sur sa réorganisation dans les territoires. Une proposition en cinq points.

Deux nouvelles instances seraient créées pour mieux déployer les services localement. Le Comité de pilotage (Copil) Territoires serait composé d’élus et l’Agence des territoires regrouperait les services existants. L’Agglo propose également de rebaptiser les pôles territoriaux et de les appeler "territoires d’action communautaire". Les sièges de ces anciennes communautés de communes et communautés d’agglomération pourraient devenir des Maisons de la communauté et les anciens conseils de pôle, des commissions territoriales.

Derrière ce toilettage, c’est un changement de fond que l’exécutif dit vouloir mener. Même si les décisions se prendront toujours dans les instances délibérantes, à Bayonne, l’objectif affiché est de rapprocher les élus et les habitants de cette grande agglomération. Et dans le sens inverse, celle de faciliter le déploiement des politiques publiques dans l’ensemble du territoire. La CAPB s’appuierait sur les Maisons de la communauté pour cela.

"L’implication des élus viendra des projets"

Les propositions du président ont fait réagir les élus, lors du conseil communautaire du 3 novembre. Jean-René Etchegaray a salué la richesse du débat, il n’aura pourtant pas la tâche facile tant le scepticisme se fait sentir dans les rangs de l’amphi de la faculté de Bayonne. "Réanimer ces territoires, c’est très bien, mais l’implication des élus viendra des projets. Il faut nous re-responsabiliser. On a l’impression que tout nous est amené sur un plateau et on ne fait que dire oui au conseil communautaire", regrette Lucien Betbeder.

Les projets seraient, selon lui, la clé de leur implication et il n’est pas le seul à le penser. Le vice-président de l’Agglo, Alain Iriart, estime qu’il faut de la volonté et des moyens pour "mettre les élus en position de 'faire'. Il faut que les élus des territoires nous fassent remonter des actions". Il craint, par ailleurs, à travers le Copil Territoires et l’Agence des territoires une nouvelle centralisation.

A la différence de ces élus pro-EPCI, le maire de Bidart Emmanuel Alzuri considère que la réorganisation proposée viendrait remettre en question la pertinence du "modèle fusionné" des dix anciennes entités. Et de regretter : "Les commissions territoriales ne  seront — malgré tous les efforts de sémantique de la délibération — guère plus que des coquilles, disons 'à moitié vides'".

Lucien Betbeder rappelle, pour qu’il n’y ait pas de confusion possible, que le Biltzar a toujours été favorable à cette agglomération, "on sait que c’est un travail ardu. Maintenant, à nous de prendre nos responsabilités et être force de proposition". Le projet communautaire sera soumis au vote du conseil communautaire le 15 décembre. Les territoires ne le sont peut-être pas, mais le débat, lui, promet d’être animé.