Eneko ALDANA

“Ils ne s’attendaient pas à ce que le ‘oui’ dépasse les 40 %”

Avec 56,4 % contre l’indépendance et 43,61 % en faveur, les résultats du référendum de Kanaky, tombés dimanche dernier, donnent la victoire aux unionistes. Invité par le parti indépendantiste FLNKS, Eneko Aldana, représentant EH BAI, était sur place. Bien que le “non” l’ait emporté, il reconnaît une victoire pour le camp indépendantiste.

Eneko Aldana à Ciboure, de retour de Kanaky. © Bob EDME
Eneko Aldana à Ciboure, de retour de Kanaky. © Bob EDME

Quel bilan faites-vous de ces résultats ?

Personne ne s’attendait à ces résultats là. Le FLNKS savait très bien qu’il ne pouvait pas gagner un référendum cette fois-ci, car le poids et le déséquilibre démographique joue en faveur du camp unioniste. Mais il est vrai que ce résultat contredit toute les enquêtes d’opinion. Elles prônaient une victoire du non à 70 % et les indépendantistes ont obtenu 43,6 % des voix. C’est une victoire pour le FLNKS.

Selon les provinces, le vote est très différent, pourquoi ? Que révèle cette répartition ?

C’est quelque chose de constant en Nouvelle-Calédonie. A chaque échéance électorale, la même configuration sort des urnes. Dans la province nord et dans les îles Loyauté, le vote indépendantiste atteint les 80 %. La province sud, où se concentrent un électorat unioniste et une population européenne, le vote penche en revanche majoritairement pour le non. Cela montre que le mouvement indépendantiste de Nouvelle-Calédonnie a un enjeu majeur sur les secteurs de Nouméa et du Grand Nouméa, où le vote des indépendantiste est très faible. Même si, cette fois-ci, le camp indépendantiste a pu dépasser la barre des 10 % dans le Grand Nouméa.

Quelle est la part de l’électorat que les indépendantistes ont réussi à convaincre ?

Le mouvement indépendantiste a réussi à activer à environ 90 % sa base électorale, ce qui n’est pas le cas à chaque échéance électorale. Il a réussi à convaincre, y compris les jeunes, actuellement difficiles à mobiliser. Il y a aussi une population dite “européenne” qui penche pour le vote indépendantiste mais qui reste actuellement marginale.

Macron a déclaré que ces résultats révélaient “une marque de confiance en la République”. Quel a été le ressenti concernant le discours unioniste sur place ?

Entre la semaine dernière et dimanche soir, le discours de la droite a évolué. Très confiante jusqu’à hier [NDLR – dimanche matin], pensant que le nom allait gagner largement, à l’heure actuelle, la droite rétropédale et dit que même si le “non” l’a emporté, le “oui” est assez important. Ils ne s’attendaient pas à ce que le oui dépasse les 40 %.

Le vote en faveur du “non” est-il uniquement soutenu par les populations dites européennes ?

Dans l’électorat en faveur du “non” figurent des métropolitains, arrivés avant les accords, et des immigrés de Wallis-et-Futuna, mais ce vote a été majoritairement motivé par une campagne de peur et de désinformation. Elle disait que si le “oui” l’emportait, la Calédonie sombrerait dans le chaos le plus total. Ce qui est inexact, parce qu’il n’y a pas un pays dans le monde qui a suivi un processus de décolonisation qui s’est préparé autant à l’indépendance. La Calédonie, depuis les accords de Matignon, est rentrée dans un processus de décolonisation. C’est à dire que ça fait 30 ans qu’ils ont commencé à se préparer au jour J. S’il y a bien un peuple qui a été préparé à l’indépendance, c’est bien le peuple calédonien.

Que laissent prévoir ces résultats pour la suite du processus de décolonisation ?

Comme cela a été accordé dans les accords de Matignon et de Nouméa, deux autres référendums sont prévus. Le prochain en 2020. Le camps indépendantiste fera un bilan et voir où est-ce qu’il peut encore progresser pour pouvoir passer la barre des 50 %.