Ainhoa Aizpuru

Un nouveau pas pour en finir avec l'impunité de l'héritage franquiste

Le gouvernement espagnol de Pedro Sánchez a annoncé, ce mercredi 11 juillet, sa volonté de s’investir dans la réparation des victimes du franquisme. Entre les mesures annoncées, la prise en charge par le gouvernement des fouilles des restes des victimes disparues, créer un recensement des victimes de la guerre civile et de la dictature, illégaliser les associations telle que la Fondation Franco et réformer la loi de Mémoire historique.

 79 années après la mort de Franco, une vraie politique de reconnaissance des victimes du franquisme est annoncée. (Congreso_Es)
79 années après la mort de Franco, une vraie politique de reconnaissance des victimes du franquisme est annoncée. (Congreso_Es)

"Nous ne pouvons pas accepter que des personnes de plus de 90 ans bataillent contre l'avis d'un juge ou la décision arbitraire d'une mairie pour récupérer les restes de leurs parents" a déclaré Dolores Delgado, nouvelle ministre de la Justice. "Il est inacceptable que l'Espagne soit, après le Cambodge, le pays qui a le plus grand nombre de disparus au monde". Plus de 1 200 fosses communes attendent d’être fouillées d’après les informations du ministère.

La loi 52/2007, connue comme loi de la Mémoire historique, fut approuvée en 2007 par le gouvernement socialiste de Jose Luis Rodríguez Zapatero. Pour la première fois, l'Etat espagnol affrontait une démarche de réparation des exactions commises pendant la guerre civile espagnole et la dictature. Même si en principe elle visait toutes les victimes, ce sont surtout les victimes du franquisme qui sont concernées. Cette loi incluait la reconnaissance des victimes, mais laissait entre les mains de particuliers les fouilles des fosses communes tout en leur accordant une aide économique pour couvrir les frais des exhumations. Dans la pratique, le gouvernement de Mariano Rajoy les avait réduites à néant depuis 2015.

Le gouvernement de P. Sanchez a annoncé que dorénavant, les exhumations seraient directement prises en charge par l'Etat. En plus, une réforme de la loi de Mémoire historique est aussi envisagée, dans le but d'annuler les jugements rendus par les tribunaux franquistes. En 2007, ces tribunaux avaient été déclarés "illégitimes", mais leurs résolutions n'avaient pas été annulées, en partie par la pression de la droite qui voyait la mesure comme une décision basée sur la revanche et créant une grande insécurité juridique. La ministre de la Justice n'a pas donné plus de précisions sur cette réforme de la loi.

En 2014, le rapport de Pablo de Greiff, relateur des Nations Unies avait déjà sonné l'alarme sur le manque de moyens pour mener les exhumations. "Je trouve que c'est une excellente nouvelle" a déclaré P. de Greiff devant l'annonce du gouvernement Sanchez. "La privatisation des exhumations est une politique condamnée à l'échec. L'Argentine et le Chili, par exemple, ont obtenu d'excellents résultats en menant des politiques d'Etat".

Pour cela, le gouvernement de P. Sanchez a annoncé la création d'une direction générale (deuxième niveau après le ministère) de la Mémoire historique à l'intérieur du ministère de la Justice. Cette direction prendra en charge directement les fouilles, par le biais d'un Plan national de recherche des disparus. Pour cela, il intégrera un groupe d'experts composé d'archéologues, avocats, médecins légistes et de représentants des associations de victimes. Les résultats des fouilles seront publiés tous les ans et un recensement officiel de toutes les victimes de la guerre civile et de la dictature. Ce recensement sera une nouveauté, car l’Espagne ne compte toujours pas de chiffres généraux. Seules des informations rassemblées par certains juges lors d'enquêtes existent.

Le travail de volontaires

Face à la passivité de l'Etat espagnol, différentes associations avaient pris le relais et menaient des recherches pour récupérer les restes des victimes. Devant le manque de moyens publics, elles ont fonctionné grâce à des dons privés et au travail de volontaires. Beaucoup d'entre eux sont des étrangers émus par le manque de sensibilité des élites espagnoles vis-à-vis du drame de son passé récent. Au niveau de l'Etat espagnol, l'Association pour la récupération de la Mémoire historique (ARMH) a été une des plus actives.

Au Pays Basque Sud, c'est surtout l'association Intxorta 1937 qui a mené les travaux de récupération de la mémoire des victimes de la guerre civile et du franquisme, notamment en Gipuzkoa et en Bizkaia. Pour cela, les différentes associations ont compté, entre autres, avec l'aide de la Société de Sciences Aranzadi. Ce prestigieux centre de recherche basé à Donostia a fourni des spécialistes dans divers domaines pour contribuer à cette juste cause : médecins légistes, anthropologues, archéologues et historiens. En particulier, il convient de citer le travail désintéressé du célèbre médecin légiste gipuzkoar Pako Etxeberria, véritable sommité mondiale dans le travail d'exhumation de cadavres.