Goizeder TABERNA

Versement transport : les patrons souletins se rebiffent

Plusieurs dizaines de chefs d’entreprise souletins ont accueilli les représentants de la Communauté d’agglomération, vendredi dernier, pour protester contre la nouvelle taxe que certains d’entre eux devront payer à partir de cette année.

Dominique Boscq (2ème en commençant par la droite) fait partie des représentants des 25 communes souletines à avoir élaboré le texte commun sur le versement transport. © Isabelle MIQUELESTORENA
Dominique Boscq (2ème en commençant par la droite) fait partie des représentants des 25 communes souletines à avoir élaboré le texte commun sur le versement transport. © Isabelle MIQUELESTORENA

La Communauté d’agglomération Pays Basque (CAPB) organise plusieurs conférences territoriales afin de définir avec les élus son projet communautaire. Quatre réunions à travers le territoire qui permettront à ses représentants de prendre la température un an et demi après la création de l’institution unique. Après une réunion en pays garaztar, l’agglomération a réuni les élus de Soule vendredi 1er juin. Avant, une première rencontre a eu lieu avec les chefs d’entreprise souletins inquiets par le versement transport (VT) : ils considèrent cette taxe injuste.

Leur nombre a surpris. Le président de la CAPB, Jean-René Etchegaray, était prévenu et avait accepté de rencontrer une délégation, mais il ne s’attendait certainement pas à ce qu’ils soient une cinquantaine, lors de la visite de l’entreprise Alkar de Mauléon. Ils lui ont rappelé l’engagement des élus d’étaler sur 12 ans l’application de son taux maximal (2%).

Ils considèrent que cette taxe destinée à financer les mobilités, et étendue en 2018 à toutes les entreprises de plus de onze salariés de l’ensemble du territoire, n’apportera pas le même niveau de service en Soule que sur la côte. Or, le taux est unique pour les trois provinces du Pays Basque Nord. Ils réclament donc une différenciation entre les territoires.

Une semaine avant la visite, les élus des 25 communes de Soule réunis dans leur pôle territorial se sont exprimés d'une seule voix contre une lissage de quatre ans du VT. Ils se sont entendus sur un texte dont le premier point réclame le respect du pacte fiscal qui prévoyait un lissage sur 12 ans. Michel Etchebest porte la double casquette d'élu (maire de Mauléon et vice-président de l’agglo délégué à l’économie) et de chef d’entreprise. Il rappelle que "l’ancienne Acba [Agglomération côte basque-Adour, ndlr.] a eu 38 ans (depuis 1978) pour atteindre le taux de 2%".

"Il faudra batailler tous les ans"

Les annonces et explications de Claude Olive, président du Syndicat des mobilités, et de Jean-René Etchegaray ne semblent pas avoir apaisé les tensions. Ces derniers ont récemment rappelé que le taux est fixé tous les ans, mais cela ne convainc pas le maire de Tardets, Arnaud Villeneuve : "C’est le syndicat des mobilités qui décidera… il faudra batailler tous les ans".

Dans un second point, les élus de Soule demandent au législateur que la loi permette de fixer le taux en fonction du service rendu ou à rendre. Le maire de Tardets relève le paradoxe : "en Soule, le versement transport va rapporter entre 800 000 et 1 million d’euros au syndicat, ce territoire n’a pas besoin d’un service des mobilités à la hauteur de la somme récoltée".

"Est-ce que c’est comme cela qu’on pense un territoire ? On est en train de construire un projet de territoire et la dislocation de la réflexion est inquiétante", réagit Martine Bisauta, vice-présidente de la CAPB en charge de la transition écologique et énergétique. Elle rappelle un principe de base de la fiscalité : "les habitants paient des impôts mais ils ne bénéficient pas tous des mêmes services". Elle prend l'exemple de la maison de santé de Mauléon qui ne servira qu'aux Souletins.

Elle fait tout de même toucher du doigt que les aménagements réalisés dans le BAB serviront à l’ensemble du territoire : "les automobilistes qui profiteront des parkings de délestage pour se rendre à Bayonne seront contents du désengorgement des routes".

Comme une compensation

Elle s’interroge, par ailleurs, sur l’inégalité des chances entre les entreprises du littoral et celles de Soule, si ces dernières bénéficiaient d’une différenciation dans le domaine de la fiscalité. Elles seraient avantagées lors d’appels d’offres. Beñat Elkegaray, responsable de l’entreprise Elkar de Mauléon, ne le voit pas du même œil : "les entreprises de la côte sont, de fait, avantagées".

Il voit la différenciation comme une compensation, au même titre que la prime montagne destinée aux paysans. Situées en zone de revitalisation rurale, "les entreprises souletines ont bénéficié d’avantages fiscaux jusqu’à la création de l’EPCI unique", rappelle-t-il. Et demande : "Si notre territoire était si privilégié, pourquoi nos jeunes s'en iraient ?"

Interrogé sur la question par Xiberoko Botza à l'issue de la rencontre avec les chefs d'entreprise, Jean-René Etchegaray aussi a renvoyé la balle aux parlementaires pour qu'un amendement soit présenté dans la prochaine loi sur les mobilités qui devrait être examinée en septembre, afin que le versement transport soit ajusté au service des mobilités rendu. Il n'a pas fermé la porte à un lissage plus important : "Le lissage sur quatre ans n’est pas définitif. Si la réforme ne passe pas, on pourrait envisager de le revoir".

"Aujourd’hui nous sommes dans l’apaisement", a déclaré le directeur de l’entreprise Alkar, Philippe Ascone, au micro de Xiberoko Botza. Certains patrons ont le sentiment d'avoir été entendus, mais ils resteront attentifs.