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Jean-François Irigoyen : “Nous sommes conscients du problème que nous avons pour loger les locaux”

Cela fait six mois que Jean-François Irigoyen occupe le fauteuil laissé vacant par Peyuco Duhart, après sa mort. Ce chef d’entreprise de profession et ancien premier adjoint de Saint-Jean-de-Luz a reçu MEDIABASK dans le bureau du maire qui, peu à peu, est devenu le sien. Il a pris le temps d’aborder les dossiers en cours.

Jean-François Irigoyen. © Bob EDME
Jean-François Irigoyen. © Bob EDME

Vous êtes devenu maire de Saint-Jean-de-Luz dans des condition particulières, comment se sont passés les six premiers mois ?

Le premier mois a été très dur moralement. M’installer dans ce bureau… c’était compliqué. Puis, nous avons vécu six mois intenses. Se remettre dans les dossiers, les relancer, puisque certains avaient été forcément ralentis. J’ai intégré l’agglomération de manière discrète puisque je n’ai pas voulu prendre la première vice-présidence comme Monsieur Duhart. Je suis donc à l’exécutif et j’ai la délégation des ports.

Vous avez annoncé la mise en place de nouveaux parkings. A quel niveau vont-ils résoudre les problèmes de circulation que connaît la ville ?

Il ne faut pas se faire d’illusion, les problèmes de circulation, en plein été, on en aura toujours. Malheureusement… ou heureusement, car nous sommes bien contents que la ville attire du monde. C’est sûr, cela amène quelques nuisances. Nous comptons faire un parking en face de celui de Chantaco, de 250 voire 300 places. Le second site se trouvera en face du garage Lamerain, à l’entrée nord de la ville, là aussi de 250 à 300 places de stationnement. Les navettes déjà existantes transporteront les passagers. Nous allons étudier la possibilité avec l’agglo de mettre en place des navettes plus petites pour pouvoir les faire passer par les artères secondaires. Tout cela pour éviter les voitures en centre ville. Parallèlement, nous comptons construire un parking de 500 places sous l’îlot Fochs.

Quelles sont vos intentions en ce qui concerne le parking Gregorio Marañon, situé derrière la gare. Comptez-vous le rendre payant ?

Non. Aujourd’hui, il est gratuit et nous avons toujours eu comme principe de ne pas faire payer au-delà de la voie ferrée. Si jamais nous rendions ce parking payant, nous chargerions encore plus les parkings des résidences du quartier Urdazuri.

La ville est en train de rattraper le retard en logements sociaux, sans pour autant arriver aux 25 % obligatoires. La révision du PLU en cours ouvre-t-elle une possibilité pour palier au manque de foncier constructible ? Quelle est le taux de logements sociaux visé ?

Les terrains constructibles vont être limités du fait de la loi Littorale. Nous aurons quelques possibilités entre le vieille route de Saint-Pée et Jalday. Mais nous allons aussi agir sur le taux de logements sociaux dans les opérations immobilières. Nous sommes aujourd’hui à 30 % de logements sociaux et nous passeront à 50 %, suivant les opérations. Par exemple, dans une résidence de huit appartements, nous ne serons pas sur du 50 % de social. Par ailleurs, nous baisserons le seuil du nombre de logements à partir duquel nous exigeons du social.  

Vous n’envisagez donc pas d’étalement, mais vous comptez rénover le centre.

C’est bien cela. Nous avons ciblé plusieurs îlots au quartier Fargeot, nous sommes propriétaires de trois biens et nous sommes en négociation pour un quatrième. Au fur et à mesure des ventes, nous allons faire de nouvelles acquisitions avec l’aide de l’Etablissement public foncier local [EPFL].

Quels sont vos objectifs ?

Aujourd’hui, nous avons déjà atteint les objectifs fixés par le plan triennal pour 2021 [loi SRU, ndlr.], avec ce qui va être livré prochainement. Même si nous n’avons pas atteint les 25 % de logements sociaux, nous sommes quand même la seconde ville de la côte basque en logement sociaux, avec 18,75%, derrière Bayonne.   

Certains opérateurs privés présentent plusieurs projets de moins de dix logements pour échapper à l’obligation de construire 30 % de logements sociaux. Il semblerait que votre ville n’échappe pas à cela.

Comme je l’ai déjà dit, nous allons baisser le seuil minimal pour faire construire des logements sociaux. Ce sera inscrit au règlement du PLU. Quant à la situation que vous décrivez, il n’y a eu qu’un cas à Saint-Jean-de-Luz, derrière la polyclinique. Il s’agissait de la même famille mais pas du même vendeur, nous avions affaire à deux sociétés différentes. C’est vrai que nous nous sommes aperçus après coup que derrière, il s’agissait de la même personne. C’est difficile de déceler la manœuvre avant. Les autres promoteurs ne jouent pas à ce jeu.

Pensez-vous mener une action contre la loi Littorale qui peut produire des situations irrationnelles ?

Nous avons été directement impactés sur un projet à Acotz. Nous avions fait une Zad, une zone d’aménagement différé, validé par l’Etat, et nous souhaitions y faire du collectif. Les services de l’Etat nous ont refusé le second permis de construire déposé. Nous avons renvoyé l’Etat devant le Justice, mais la Ville a perdu. Sur certains secteurs, nous aurions pu construire, mais cette loi nous limite.

St-Jean-de-Luz a fixé la taxe sur les résidences secondaires à 40 %. Lors du débat sur le fond, vous considériez tout de même que cette taxe est "confiscatoire".

Je ne suis pas le seul à l’avoir dit, cette taxe ne fait pas baisser le nombre de résidences secondaires. En un an, ce chiffre a baissé d’environ 1%, mais du fait de la mutation de propriétaires qui viennent vivre ici une fois la retraite prise. Après, il est vrai que l’on se sert de cet impôt pour palier la baisse des dotations de l’Etat.

Si l’on met côte-à-côte le taux de résidences secondaires de 43 %, la pression spéculative qui va avec, et le taux de logements sociaux de 18 %, est-ce qu’on devrait pas dire plutôt que les jeunes Luziens sont victimes de confiscation ? Le logement secondaire est un droit que personne ne conteste, mais le logement principal un besoin primaire…

Non, je ne pense pas. Aujourd’hui, nous sommes une ville attractive et l’économie a besoin de cette attractivité. Ce n’est pas pour rien que les commerces sont ouverts le week-end. Après, qu’il y ait un problème pour loger les locaux, nous en sommes conscients. En plus des logements sociaux, nous devons aussi faire de l’accession pour les jeunes qui veulent acheter. C’est pourquoi nous avons un nouvel outil : l’office foncier solidaire (OFS). Nous avons monté un projet avec le Col au quartier Fargeot, d’une trentaine de logements. Nous allons voir s’il y a un attrait des Luziens. Aujourd’hui, c’est le seul outil qui évite la spéculation.

Concernant le pôle culturel Harriet Baita, vous avez réuni une partie du financement. La vente de locaux de la Pergola a apporté 6 millions d’euros au projet, où en êtes-vous pour le reste ?

Le projet Harriet Baita, c’est 8,5 millions. Nous attendons des subventions du Département, de la Région, de la Drac. Il se trouve que c’est le seul projet de ce type d’envergure dans la Nouvelle-Aquitaine. Il est en plus monté en partenariat avec la scène nationale, et la Drac nous a promis de nous aider.

Vous allez donc boucler le budget ?

Oui. Le lancement des travaux est prévu pour le premier semestre 2019.

Depuis la phase de concertation, le projet de l’îlot Foch fait peu parler de lui. L’aménagement de la zone du port est reporté ?

Pour ce projet, nous avons voulu passer par une phase de concertation. Chose rare, surtout qu’il s’agissait d’un projet privé au départ. La Ville est intervenue car il nous a semblé que nous devions profiter de ces travaux pour réaménager ce secteur de la ville engorgée de voitures. Les Luziens ont répondu massivement à la concertation. L’inquiétude première exprimée est la question de la construction sur le parking Foch, personne n’en voulait.

Nous avons écouté les Luziens, les architectes ont fait leur partie, et nous espérons leur présenter le projet fin juin début juillet. Le retard est dû à des raisons juridiques. Les promoteurs privés voulaient construire leur parking et nous, nous avions la volonté de faire un parking public. Nous ne savions pas si nous en faisions un ou deux. Le nouveau PPRI [plan de prévention du risque inondation, ndlr.] a également apporté des contraintes supplémentaires et a contribué au retard.

Quels sont les caractéristiques de ce réaménagement ?

Ce secteur sera doté d’un nouveau parking, d’un espace urbain ouvert, un lieu de vie. Par ce réaménagement, nous souhaitons également pacifier cet espace pour permettre au gens de faire la connexion entre la gare Sncf et l’hyper-centre, parce qu’en ce moment c’est compliqué de se déplacer. Nous sommes la seule commune de la région à avoir une gare en centre-ville, il faut que cela devienne un atout. Ensuite, nous aurons de nouveaux locaux commerciaux et les promoteurs propriétaires de l’ancien garage partent pour maintenir un lieu festif. Ce ne sera pas le "Chez Renauld" que nous connaissons, mais ce sera un lieu festif. Les promoteurs sont en discussions avec l’exploitant actuel pour la suite.

Bayonne a son système de distribution de chaleur centralisé, Hendaye cède ses toits pour l’installation de panneaux solaires. La municipalité luzienne a-t-elle une réflexion sur les énergies renouvelables ?

Notre réflexion n’est pas aussi poussée que dans ces villes, mais nous avons lancé depuis quatre ans un programme d’économie d’énergie au niveau des éclairages. Dans tous les bâtiments communaux nous avons refait le vitrage. Et nous réfléchissons à l’installation de panneaux solaires, à la récupération d’eaux de pluie.

Quel est votre état d’esprit pour 2020 ?

J’ai beaucoup travaillé pendant six mois. Toute l’équipe poursuit dans la même direction pour mener au bout les projets qui ont été annoncés.  Et on verra pour 2020…

Ça vient vite. Si vous ne vous positionnez pas assez tôt, le risque serait que vous vous fassiez doubler par votre droite.

Par ma droite ? [Rit et regarde à sa droite] Non, ça va.