Laurent Platero

Le GAL, sous l’œil du photographe Daniel Velez, accroché à Ascain

Tout ce mois d’avril, le bar-restaurant Xoko Ona propose une série de photographies de Daniel Velez. “Époque du GAL”, exposition qui rassemble images et documents, s’intéresse à une partie sombre de l’Histoire.

Le photographe, passionnant et passionné, narre ses souvenirs.
Le photographe, passionnant et passionné, narre ses souvenirs.

Depuis ce week-end au Xoko Ona d’Ascain, la fresque d’Ugo Tito partage les murs avec des photographies en noir et blanc. Daniel Velez, ancien du journal Sud-Ouest, reporter bien connu au Pays Basque avec quarante années de photo-journalisme à son actif, propose jusqu’à la fin du mois d’avril une série d’images sous le titre “Époque du GAL”.

“C’est une exposition thématique”, précise l’auteur, appareil photo en permanence à son épaule, comme toujours prêt à surgir en cas d’un “gros coup” à immortaliser. Associé à des documents et à une légende chronologique, l’accrochage d’une trentaine d’images est un témoignage d’une époque où l’on tuait à bout portant, sans savoir de quel camp provenaient les balles.

Ici, le délicat sujet du GAL est traité par un œil camouflé, celui d’un photographe dont les narrations ne manquent pas du terme “adrénaline”. Daniel Velez, accompagné de celui qu’il nomme son “frère naturel”, Jose Goitia, a passé des nuits entières à faire le guet par exaltation d’une histoire en train de se construire sous ses yeux.

Les deux compères se complétaient, entre connaissance du milieu militant pour l’un, et expérience du journalisme pour l’autre. Il opérait bien au-delà des demandes de sa rédaction, des heures durant, entre deux retours à des clichés plus traditionnels pour des illustrations d’articles.

Des questions sans réponse

“J’étais pris dans un tourbillon”, confie Daniel Velez. A l’époque, les secrets sont si nombreux que les fuites ne peuvent rester nulles. “On a compris qu’il se passait quelque chose”. Trente ans plus tard, nombreuses sont les questions restées sans réponse dans l’esprit du photographe et de tout ceux qui s’intéressent un tant soit peu au sujet. “Il y a encore tout à faire”.

Chaque photo a une histoire, l’entendre par les mots de son auteur amplifie l’effet polar. A l’époque, les anecdotes sur des meurtres “accidentels” ou des “mésaventures” étonnantes pleuvent. “C’était ça aussi qui était excitant”, confie-t-il, non sans demeurer amer fasse au nombre de morts et aux actes coupables jamais prouvés.

De la reconnaissance fortuite d’un commissaire à Biarritz, alors qu’il fume une cigarette à la fenêtre d’un ami, aux décryptages de certaines fréquences sur les ondes privées de la police, les gros dossiers du photographe sont un subtil mélange entre un travail d’enquête allié à quelques coups de chance.

Entre 1983 et 1987, la stratégie du chat et de la souris s’est opérée entre les policiers et suspects, les deux photographes jouaient eux aussi avec les agents, entre filatures et exploration des poubelles du commissariat.

Un travail de passionné

Daniel Velez véhicule la passion de son travail. Celui qui disposait de trois “scanners de fréquence” pour ne pas rater le moindre soubresaut d’un crépitement, reconnaît l’aléa de son métier. “On faisait des choses sans savoir ce qu’il y avait au bout”. Parfois, le résultat s’avérait payant.

Nombre de ses images ont fait le tour des médias locaux et nationaux, comme l’arrestation de deux membres du GAL à Biarritz, les réunions discrètes entre juges espagnols et français, ou bien sûr le cliché de la tuerie du Monbar à Bayonne en 1985. “On savait qu’un bon document se monnayait”.

Aujourd’hui, le photo-journaliste reconnaît une époque sur laquelle il n’est pas évident d’être exhaustif. “C’est pas facile d’écrire là-dessus”. Il a lu des ouvrages intéressants, sur lesquels il émet avec certitudes quelques réserves. Quand à savoir s’il serait prêt à poursuivre l’enquête, Daniel Velez convient : “je m’y intéresse encore”. Par ses contacts et son expérience, des tuyaux peuvent encore tomber, des preuves lui sembler au bord de l’accomplissement. L’histoire est si complexe qu’elle ne peut pas s’oublier : “de toutes les manières, le GAL restera dans les mémoires”.