Goizeder TABERNA

Un refus de libération à contre-courant

Le refus d’aménager la peine de prison de Ion Parot, condamné à perpétuité, est considéré au Pays Basque Nord comme une atteinte au processus de paix.

A chaque décision judiciaire, l’espoir de voir un signe de changement dans les tribunaux se réveille au Pays Basque. Alors que la presse se faisait l’écho de la volonté de la direction d’ETA de mettre un terme à son parcours, le 22 février, un tribunal français rendait une décision négative. Le refus par la cour d’appel de Paris de libérer sous conditions Ion Parot met en évidence les paradoxes du processus de paix.

La décision judiciaire évoque deux noeuds du processus : la normalisation et la réparation. "Même si son projet est adapté pour lui, ce n’est pas dans l’intérêt des victimes ou des parties civiles ni dans l’intérêt de la société que Ion Kepa Parot sorte, car il peut causer un trouble grave à l’ordre public", dictent les juges chargés d’examiner le recours présenté par le parquet.

L’argumentaire exprime un décalage entre les magistrats appelés à statuer et les acteurs locaux, engagés dans le processus de résolution du conflit. Le Comité des droits de l’homme du Pays Basque (CDDHP) s’est dit stupéfait par cette lecture, "une offense à la dignité de tous les citoyens de ce territoire".

D'après une source judiciaire, "ce refus ne signifie pas que des avancées ne seront pas réalisées dans le dossier des prisonniers basques. [Ion Parot] a appartenu à un des commandos les plus meurtriers de l'histoire d'ETA. Il ne pouvait constituer un premier pas vers la normalisation". Vers la fin du régime d’exception. Le militant basque purge une peine à perpétuité et va bientôt entamer la vingt-huitième année d’incarcération, après cinq demandes de libération conditionnelle.

La ligne du refus

Le mouvement abertzale EH Bai déplore que le juge se soit appuyé sur les arguments du procureur pour motiver ce refus. "Alors que Paris prend des engagements sur le rapprochement des prisonniers politiques, comment peut-on refuser une libération conditionnelle, dispositif faisant partie intégrante de la résolution du conflit ?", se demande EH Bai.

Tous les magistrats ne sont pas sur la ligne du refus. Le tribunal d'application des peines a accepté la demande de libération conditionnelle en première instance, le 27 octobre. Et le CDDHPB note que "le juge d'application des peines estimait que Ion Parot, au bout de 28 ans, avait largement purgé sa peine".

Elus et citoyens ont accuilli avec déception la décision de la cour d'appel, hier lors du rassemblement en soutien à Ion Parot. © Isabelle MIQUELESTORENA

D'après des sources policières, passé 20 ans de réclusion, on considère que "le délai de décence" est atteint. Là, à 28 ans d'incarcération, cela pourrait être vécu comme de l'acharnement. En matière de dignité, certains placent même le curseur plus bas. Pour la responsable locale de l’Observatoire international des prisons (OIP), Maite Etcheverria, la limite tolérable s’arrête à la porte de la prison : "à partir du moment où l’on franchit la porte de la prison, la cassure se fait".

Dangerosité

Et dans le cas de Ion Parot, la décision de la cour d'appel réduirait l'espoir qu'il recouvre un jour la liberté. Une situation que la représentante de l'OIP considère "inadmissible". Elle tord le cou à la présomption de dangerosité, argument opposé aux demandes de libération conditionnelle déposées par les prisonniers basques. "Il faudrait définir qu’est-ce qui est dangereux pour la société", estime Maite Etcheverria. Un point de départ pour éviter des décisions arbitraires.

En attendant, Ion Parot devra reprendre à zéro la procédure de demande de libération conditionnelle. "Il ne va pas baisser les bras, affirme sa nièce Oihana Parot, même si c’est dur, il devra reprendre des forces et garder espoir".