Justine Giraudel

Le Mariage pour Tous, en chair et en peluche

Mercredi 20 janvier, La sociologue et l'ourson concourrait pour le prix du public du Festival international de la production audiovisuelle (FIPA) de Biarritz.

© La sociologue et l'ourson d'Etienne Chaillou et Mathias Théry
© La sociologue et l'ourson d'Etienne Chaillou et Mathias Théry

La sociologie et le documentaire ont ceci en commun qu'ils nous donnent à revoir avec distance les faits et les débats qui, dans l'instantané, ont tout emporté sur leur passage. L'actualité devient Histoire. Mathias Théry s'est ainsi attaqué à l'une des dernières révolutions du code civil : le Mariage pour Tous. 80 minutes pour revivre une avancée comparée par Christiane Taubira à celle de l'abolition de la peine de mort.

Le co-réalisateur, avec Etienne Chaillou, de La sociologue et l'ourson a de qui tenir et il ne s'en cache pas. Sa mère, la sociologue de la famille Irène Théry, est une des protagonistes de la loi et incarne le personnage principal du documentaire. Elle a oeuvré dans l'ombre et la lumière, des salons dorés de l'Elysée aux plateaux télés, au milieu de ses sympathisants et dans la fosse aux lions de ses détracteurs, pour porter un regard aussi scientifique que militant qui aura contribué à l'éclosion de la loi du 18 mai 2013.

Pas étonnant, donc, que les réalisateurs aient eu recours à deux outils aussi asymétriques que complémentaires : la sociologie et la pédagogie. Ou plutôt, le discours d'Irène Théry et les peluches. "Je voudrais comprendre de façon simple", demande le fils, obligeant sa mère à abandonner les termes techniques. Obligeant sa mère à raconter une histoire, l'Histoire.

La sociologue et l'ourson plonge le spectateur dans un document surprenant, alternant les images d'archives, les prises de vues en direct, les mises en scène de marionnettes et autres poupées, les reconstitutions, la couleur, le noir et blanc…

Une souris, lavandière bretonne, se fait engrosser par son patron. Mère-fille, elle est mise au banc de la société. Il s'agit de l'arrière-grand-mère de la sociologue. S'enchaînent d'autres récits, ceux de son ascendance. Autant d'expériences de vie qui illustrent l'évolution du mariage : mariage de raison, mariage d'amour… Jusqu'à la conclusion, limpide : le mariage gay répond à ce cheminement, il accompagne l'évolution de la société.

Les chapitres se suivent, défilent au rythme du débat qui a agité les sphères politique, sociale et médiatique de l’Etat français de septembre 2012 à mai 2013. Mariage gay, GPA, PMA, filiation… Un témoignage d'histoire immédiate, singulier, en partie tourné dans l'intimité de la famille Théry pendant lequel le spectateur s'amuse de ses relations fils-mère, écoute mais finalement débat peu. Seul écueil d'une oeuvre bien léchée, atypique et emballante.

Une immersion au coeur d'une actualité qui fut aussi brûlante qu'houleuse. Des scènes d'anthologie sur les bancs de l'Assemblée nationale, une classe politique s'adonnant à la mise en scène, des escapades dans la Manif pour Tous, un combat remporté, mais dont les traces sont douloureuses, et font dire à un couple de sexagénaires : "Jusqu'alors, nous n'avions jamais connu l'homophobie".