Bénédicte Saint-André

Biarritz avec un B comme beauf ou comme bobo?

Le film de Julie Delpy "Lolo" sorti le 28 octobre est un peu la cerise sur le gâteau, que dis-je la prunelle sur le Patxaran, de l'épisode médiatique qui se joue depuis cet été entre Biarritz et la capitale. Une capitale qui prétend via son intellectuelle presse féminine que, par bonheur, les Parisiens sont venus libérer le Pays Basque de son ignorance crasse.

Biarritz victime des chantres de la bien-pensance bobo parisienne.
Biarritz victime des chantres de la bien-pensance bobo parisienne.

Dans "Lolo", le nouveau film de Julie Delpy, Dany Boon campe un brave beauf biarrot, censé être l'incarnation du provincial ringard qui plaît tant aux quadras bobos parisiennes venues se libérer sur nos terres du joug du bon goût et des "malins Parisiens". (A la différence de "dictature", "joug" s'emploie pour les bovins). Un film comme l'écho dérangeant d'un dossier de Elle Magazine paru cet été au titre prophétique : "Biarritz : la nouvelle Californie".

Evidemment, il y a d'un côté ce qui relève du caractère informatif d'un article de presse et de l'autre le ressort comique d'une oeuvre de fiction. D'un côté la révolution intellectuelle d'un territoire jusqu'alors "endormi", de l'autre le duo romanesque bobo-beauf. D'un côté, le torchon et de l'autre les serviettes à carreaux avec le pichet de sangria posé dessus.

Mais le point commun entre Julie Delpy et ELLE magazine, c'est qu'"à m'ment donné", comme on ne dit pas chez nous, on rentre dans un paradigme insolent envers Biarritz, insolent envers le Pays Basque et dont la véracité relève uniquement du prisme déformant d'un bureau parisien climatisé ou d'un château cocaïné par un actionnaire de presse pour qui l'authenticité du Pays Basque n'est rien d'autre qu'un argument marketing.

C'est qu'elles n'y vont pas avec le dos de la cuillère en or les bougresses de ELLE. Comparant Biarritz à Malibu, les journalistes vantent le "rêve américain", réalisé grâce à des Parisiens épris de liberté et saluent qu'à coté "des chipirons, rugbymen et fans du lever d'enclume (…), les veggie-burgers, smoothies pastèque-menthe et profs de yoga ont fait leur apparition". Car oui le yoga est né à Paris, n'en déplaise au Dalai Lama.

Et selon elles, ils n'ont pas fait que nous réveiller les chakras, les barbus à la planche sous le bras. Ils ont, en toute modestie, "comme ils s'ennuyaient au début", transformé nos restaurants désuets, embelli notre gastronomie, importé une musique pointue, conçu des bureaux-lofts avec baies vitrées vue sur l'océan et tant d'autres pépites culturello-designo-culinaires auxquels nous pauvres Biarrots sommes sommés de répondre :  "Milesker vraiment".

Une vision qui ne déplairait pas à Lolo, le fils de Julie Delpy, pour qui le beauf de Biarritz est à Paris comme un "gosse dans un grand magasin de jouets". Et à Beaubourg, si vous voyiez sa tête : "Ben oui t'es à Beaubourg ici, pas au musée de la marine à Quimper". Rhoo, même toi Julie, tu ne connais pas la Cité de l'Océan ? Pourtant on y mange gastro sur le toit.

Mais alors, Victor Hugo dis-moi, Biarritz ne serait-il plus Biarritz ? Toi pour qui "rien n’est plus petit, plus mesquin et plus ridicule qu’un faux Paris", que faire pour que face à cet élan comico-condescendant notre sentiment d'appartenance ne se transforme dans leur moderne machine à clichés en régionalisme mal intentionné ?

Comment leur expliquer que Biarritz est notre ville avant d'être leur image de marque ? Qu'il nous arrive encore, arriérés que nous sommes, d'y vivre des instants de bonheur sans les partager immédiatement sur les réseaux sociaux direction la capitale. Et que de toute façon, notre téléphone n'est pas pourvu du filtre Californie qui les excite tant.

Le mieux Victor, tu ne me contrediras pas, est de leur répondre par le théâtre. A eux les comédiens de ce grand jeu de dupes. Car contre toute attente, il est des théâtres à Biarritz, qui n'ont pas attendu les Parisiens pour porter des pièces magnifiques. Le Versant est de ceux-là. Dans sa dernière création, le Bambou noir, un personnage a cette phrase : "Si tu étais venu ici chez nous, nous aurions su comment t'accueillir chez nous. Mais tu es venu ici chez toi et nous ne savons comment t'accueillir chez toi".