Béatrice MOLLE-HARAN

Elections territoriales en Corse : les nationalistes font liste commune

La nouvelle collectivité unique de Corse entrera en vigueur le 1er janvier 2018. Elle va se substituer aux départements de Haute-Corse et de Corse-du-Sud ainsi qu'à la Collectivité territoriale de Corse.

Composée de 63 membres qui seront élus les 3 et 10 décembre 2017 et prendront leurs fonctions en janvier 2018, cette nouvelle assemblée siégera à Ajaccio. Sept listes seront en présence pour ces élections dont une regroupant les nationalistes déjà au pouvoir au sein de la Collectivité territoriale qui avaient réalisé un score historique aux territoriales de 2015 comme aux dernières législatives avec l’élection de trois députés sur les quatre que compte l’île. Union donc entre les autonomistes de Gilles Simeoni et les indépendantistes de Jean-Guy Talamoni au sein de la liste dénommée Pé a Corsica. Par ailleurs, une deuxième liste nationaliste Rinnovu est également en lice, plus radicale.

Division à droite

A droite et au centre des succursales des partis français, c’est l’éclatement : trois listes vont s’affronter, dont une liste macroniste, les deux autres n’ont pas obtenu l’investiture LR. Il y aura aussi une liste du Front national. La situation n’est guère plus brillante au sein de la gauche française, le PS sera absent seul le Parti communiste s’alliera avec la France insoumise au grand dam de son dirigeant Jean-Luc Mélenchon, qui ne souhaitait pas cette alliance.

Genèse d’un accord

C’est en décembre 2015 que les listes autonomistes et nationalistes, Femu a Corsica et Corsica Libera fusionnent au deuxième tour des élections territoriales au sein de Pé a Corsica avec à la clé la victoire leur permettant de diriger la Collectivité territoriale avec Jean-Guy Talamoni qui en devient le président et Gilles Simeoni président du conseil exécutif. Déjà au moment des élections municipales de 2008 et aux territoriales de 2010 les deux listes nationalistes alors séparées cumulaient 36 % des voix. Lors des municipales de 2014, c’est la ville de Bastia qui tombait dans l’escarcelle des nationalistes. Parallèlement, en juin 2014 le FLNC décidait unilatéralement “de sortir de la clandestinité”.

Postérieurement, le mouvement clandestin nationaliste du FLNC du 22 octobre annonçait en mai 2016 dans un communiqué son engagement dans “un processus de démilitarisation” afin de permettre à la nouvelle assemblée de Corse, dirigée par les nationalistes, de “gérer sereinement cette mandature”. En réitérant la reconnaissance officielle et le droit à l’autodétermination du peuple corse, ainsi qu’une solution politique négociée de la question corse, le retour des prisonniers politiques et l’arrêt des poursuites pour tous les militants recherchés. Climat d’apaisement qui a sans nul doute créé les conditions d’une victoire postérieure dans les urnes.

 

>>> Les enjeux politiques de la collectivité

Jérôme Fourquet, directeur du département opinion de l’Ifop, est auteur de “La nouvelle question corse” (Editions de l’Aube, 2017). Il souligne la “contre-performance” d’En marche lors des dernières élections remarquant “que depuis quelques années, c'est en fonction des prises de position des nationalistes que se construit le débat politique corse” (Corse Matin).

Il ajoute dans une interview à ce quotidien “qu’une nouvelle force nationaliste monte et devient dominante avec une assise sociologique assez large. Elle a défait les vieux clans et a résisté à la vague macroniste. Si les nationalistes gagnent en décembre, ils auront avec la collectivité unique un pouvoir que les autres familles politiques n'ont jamais eu en Corse avec des leviers plus importants sur les finances, les subventions et l'emploi public. C'est inédit dans l'histoire insulaire et sans pareil sur le continent. S'ils gagnent, ils auront tous les leviers institutionnels locaux, sans force politique solide pour s'opposer à eux.”