Goizeder TABERNA

Parler d’égal à égal

“D’habitude, dans une révolution, il y a ceux qui se retrouvent sur les chars et ceux qui se retrouvent sous leurs chenilles, mais ici rien de tout cela. Les Catalans ne veulent pas vaincre les Espagnols, ils veulent simplement parler d’égal à égal avec eux”

Goizeder Taberna. (c) Isabelle MIQUELESTORENA
Goizeder Taberna. (c) Isabelle MIQUELESTORENA

"Ils prétendent emprisonner les idées”, a alerté le président de la Generalitat Carles Puigdemont sur son compte Twitter. Au Pays Basque, ces quelques mots font remonter des souvenirs enfouis. Le malaise ressurgit. Le bruit de bottes n'est souhaitable ni ici ni en Catalogne. Lundi, l’Etat espagnol a arrêté les représentants de mouvements citoyens indépendantistes et placé sous contrôle judiciaire deux responsables de la police locale. Aujourd’hui, il menace d’appliquer l’article 155 avec l’intention de prendre le contrôle de ce territoire. Reste à voir de quelle manière.

Après la stupeur, les esprits se ressaisissent. Jordi Sanchez et Jordi Cuixart sont les nouveaux prisonniers politiques européens. Et les réactions n’ont pas tardé, l’indignation s’est emparée de la rue. Indépendantistes, anticapitalistes de Podemos et, par endroit, socialistes catalans, tous ont manifesté leur réprobation face à la période qui s’ouvre. Menaces, arrestations, interdictions, l’ombre du cycle infernal réapparaît.

A croire que l’Etat espagnol n’a pas d’autre recette. Que seule une médiation extérieure ne saurait lui faire retrouver la raison. Pour Gérard Larcher, le président du Sénat français, qui s’est exprimé sur Public Sénat, cela reviendrait à maintenir l’unité de l’Espagne. Mardi, la Commission européenne a répété que l’affaire était interne à l’Espagne, tout en désignant un porte-parole chargé de ce dossier : Alexander Winterstein. Dans l’Europe du XXIe siècle, les images de violence extrême comme celles vécues lors du référendum du 1er octobre suscitent tout de même de l’embarras chez les dirigeants. En déplacement à Bruxelles, le conseiller catalan aux Affaires étrangères Raul Romera leur a demandé : “L’Union européenne peut-elle accepter qu’on nous emprisonne ?”

Pour le professeur de droit Jean-Pierre Massias interrogé par le site MEDIABASK, “le grand tort du gouvernement espagnol n’est pas tant de refuser la sécession catalane mais d’y opposer des arguments d’autorité, de force et d’être incapable de prendre en compte le pourquoi de cette demande”. Les autorités catalanes seraient prêtes à rentrer dans cette dialectique, leurs appels au dialogue incessants en sont la preuve.

D’habitude, dans une révolution, il y a ceux qui se retrouvent sur les chars et ceux qui se retrouvent sous leurs chenilles, mais ici rien de tout cela. Les Catalans ne veulent pas vaincre les Espagnols, ils veulent simplement parler d’égal à égal avec eux. Un souhait anticonstitutionnel qui constitue un délit de sédition.

Sédition. Le régime franquiste avait utilisé ce mot pour condamner des ouvriers grévistes catalans en 1951. Barcelone avait alors été la scène d’une nouvelle forme de résistance passive au régime franquiste. Les ouvriers syndicalistes avaient appelé au boycott du tramway pour dénoncer la hausse du prix du billet. Quelques jours plus tard, la grève générale, pratique interdite par le régime, s’emparait de la Catalogne puis du Pays Basque. Elle ouvrait une première brèche dans l’Espagne franquiste.