Virginie BHAT

Fermeture de Sobigel : jeu de dominos

En ne mettant pas toutes ses algues rouges dans le même panier, le port de Saint-Jean-de-Luz ne sera pas frappé de plein fouet par la fermeture de l'entreprise hendayaise Sobigel. 

Les douze pêcheurs agréés du port luzien ont récolté 1 600 tonnes l'an dernier. ©Virginie BHAT
Les douze pêcheurs agréés du port luzien ont récolté 1 600 tonnes l'an dernier. ©Virginie BHAT

"L’année dernière, Sobigel n’avait acheté que 25 à 30% des algues rouges pêchées par le port de Saint-Jean-de-Luz-Ciboure", relève Serge Larzabal, président du Comité interdépartemental des pêches maritimes et des élevages marins (CIDPMEM) des Pyrénées-Atlantiques et Landes. "Nous espérons bien que sa fermeture n’entraînera pas de répercussions sur cette activité." Le président n’est pas réellement inquiet : l’algue rouge est une matière première prisée. Au point qu’à la campagne dernière, elle avait grimpé de 60 à 90 centimes le kilo mouillé.

Sobigel fermera donc ses portes d’ici la fin du mois. À sa création par André Ithurralde en 1966, l’entreprise est une figure de proue industrielle des Joncaux, à Hendaye. Elle va transformer l’algue rouge (Gelidium sesquipedale) ramassée dans les côtes basques en agar-agar dont sont friandes les industries alimentaire, pharmaceutique, textile…

L’usine emploie alors une quarantaine de personnes. Et en pleine saison de ramassage de l’algue sur les plages, elle fait appel à des intérimaires pour étoffer ses effectifs. Les années passent, le fleuron poursuit sa route. Et au fil du temps, le marché mondial de l’algue se transforme. Dans la côte basque, ce ne sont plus les agriculteurs qui récoltent l’algue échouée dans le littoral mais les pêcheurs en mer.

L’usine hendayaise a été rachetée il y a une dizaine d’années par le groupe Hispanagar qui, à Burgos, s’est lui aussi spécialisé dans la transformation d’algues. Or, depuis quelques temps, il semblerait que la maison mère ait laissé sa filiale à l’abandon et oublié d’y investir. Au point d’ailleurs que ses quatorze salariés ont fait valoir leur droit au retrait il y a quelques semaines. "C’est un droit qui leur permet de se retirer de leur entreprise quand il y a mise en danger de leur santé", explique Sébastien Lanyou, secrétaire général CFDT chimie énergie Adour Pyrénées.

Quatorze salariés sur le carreau

L’annonce de la fermeture de l’entreprise hendayaise a été brutale pour chacun. "Des motifs économiques sont invoqués", remarque Sébastien Lanyou. "Pourtant, l’entreprise n’a pas toujours été en déficit ces quatre dernières années." En fait, si Sobigel a clôturé son exercice 2015 à moins 219 214 euros pour un chiffre d’affaires de 3,45 millions d’euros, elle avait flirté avec un petit bénéfice les deux années précédentes. "Et le groupe lui-même est bénéficiaire", lance le syndicaliste. Certaines rumeurs laissent entendre que la production de Sobigel sera délocalisée vers un autre site du groupe.

Le sort des quatorze salariés est aujourd’hui scellé. Après plusieurs réunions avec la direction et le syndicat, les parties ont finalement trouvé un accord et le personnel bénéficiera d’un reclassement. Au plus près de chez eux, ambitionne le secrétaire CFDT.

Quant au site, "nous ferons tout pour qu’il ne reste pas abandonné", commente Iker Elissalde, adjoint à l’économie sociale et solidaire. La municipalité est sur "une dynamique" où elle veut créer "des emplois non délocalisables avec des TPE ou des porteurs de projets accompagnés". 

Au port de Saint-Jean-de-Luz Ciboure, les douze pêcheurs d’algue rouge agréés seront au fait fin août/début septembre. Car c’est à cette époque-là qu’ils connaîtront les acheteurs. C’est au cours d’une vente aux enchères, organisée à Hondarribia, que ces derniers se manifestent et que le prix de vente est fixé. Si Sobigel et Roko étaient les deux acheteurs historiques de l’or rouge luzien, un troisième larron s’était profilé ces deux dernières années. L'an dernier, le trio s'était partagé les 1 600 tonnes récoltées du port.

"Nous avons fait jouer la concurrence", explique Serge Larzabal. Histoire de ne pas mettre ses oeufs dans le même panier. La stratégie est finalement payante : le retrait de Sobigel du marché est moins inquiétante.