Virginie BHAT

Grippe aviaire : nouveau bras de fer entre ELB et les autorités

Les autorités préfectorales ont décidé l'abattage des 2000 canes et canards et des milliers d'œufs du couvoir de la Bidouze à Bidache. Un couvoir particulier puisqu'il élève la race locale Kriaxera. ELB s'oppose à cette nouvelle mesure et lance un appel à l'adoption d'un nouveau genre, celui de canetons. Explications. 

ELB s'oppose à l'abattage des canes et canards du couvoir de la Bidouze. ©Isabelle MIQUELESTORENA
ELB s'oppose à l'abattage des canes et canards du couvoir de la Bidouze. ©Isabelle MIQUELESTORENA

Le couperet est tombé jeudi sur le couvoir de la Bidouze à Bidache. Ses 2000 canes et canards seront abattus, ses milliers d'oeufs tués, a finalement décidé l’autorité préfectorale qui a publié un arrêté en ce sens. Le virus de la grippe aviaire est passé par là un jour. S'il n’y est plus, des anticorps chez les volailles témoignent de son passage. Et des anticorps, c’est déjà un danger considère l’Administration.

Jusqu'à présent autorités et éleveurs avaient su gérer cette nouvelle crise sans en alerter réellement quiconque, mais la décision de la préfecture a rompu les digues. "Nous allons déposer un recours devant le tribunal administratif contre cette décision préfectorale", prévient Jean-Louis Berho, éleveur de canards et membre du syndicat ELB. Le syndicat conteste la légitimité scientifique de cette décision en soulignant deux arguments.

Le premier étant que l’avis de l’Anses, Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, sur lequel s’appuie l’administration ne retient pas l’abattage comme "solution préférentielle" dans ses conclusions. De plus, si l’an dernier des dizaines de milliers de canes "séropositives" avaient donné naissance à des centaines de milliers de canetons dans les Landes lors de l’épisode de la grippe aviaire, "de l'aveu même de l'administration, les foyers de grippe qui ont éclaté cette année n'étaient pas liés à une parenté avec des canards séropositifs", pointe du doigt ELB.

Filière mise à mal

Le couvoir de la Bidouze est le premier maillon d’une filière de 200 autres éleveurs locaux traditionnels de canards et producteurs de foie gras. il abrite 2000 canes et canards adultes, dits reproducteurs, de souche locale Kriaxera, basque et landaise, ainsi que d'une race traditionnelle Pékin-M12. Ces reproducteurs pondent des oeufs qui sont mis en incubation dans le couvoir pour donner d'une part des nouveaux reproducteurs, race pure, et assurer le renouvellement de son cheptel, et d'autre part des canetons mulards (croisés) pour fournir les éleveurs qui les élèvent et les gavent.

Les autorités préfectorales veulent abattre le cheptel existant ainsi que les milliers d'oeufs du couvoir, à l'exception de 2000 oeufs Kriaxera mais à la condition que ces derniers soient couvés ailleurs, dans un autre couvoir. Ceci afin d'assurer le renouvellement du cheptel Kriaxera. Or, "aucun élevage alentours n’a la capacité et le savoir-faire pour mener un tel chantier" s'inquiète ELB. Sans compter qu'ailleurs la grippe aviaire peut aussi rôder : "il y a actuellement un cas, certes moins virulent, dans le Tarn. En dépit du vide sanitaire.", note Pampi Sainte-Marie d'ELB. 

Outre cette question, faute de recevoir les canetons mulards de ce couvoir, la filière locale est menacée de tomber à terre. Les autorités ont bien proposé que les 200 éleveurs s’approvisionnent ailleurs. Mais "Les canes séropositives transmettent leurs anticorps aux canetons qui les protègent pendant les trois premières semaines de leur vie" affirme Jean-Louis Berho. Pour les scientifiques et les vétérinaires sur lesquels s'épaule le syndicat il y a davantage de risques sanitaires à faire venir d’ailleurs des canetons "naïfs", sans anticorps donc, ne possédant pas cet héritage, souligne même le syndicat.

Adoption

Demain, les premiers canetons mulards du couvoir qui avait mis leurs oeufs en incubation avant la mauvaise nouvelle vont naître. Si les autorités ne veulent pas en arriver à l’affrontement pour abattre le cheptel, "des éleveurs qui ont manifesté l'intention de continuer à s'approvisionner ici ont déjà reçu des menaces de 'poursuites graves' à leur encontre de la part de la DDPP [Direction départementale de la protection des populations]", dénonce ELB. Menaces qui pourraient les dissuader de se rendre au couvoir de la Biddouze pour s'approvisionner en canetons.

Faute d’acheteurs, des canetons pourraient être tués. ELB lance donc un avis à l’adoption auprès des particuliers, éleveurs ou consommateurs pour ces canetons éventuellement orphelins. Ce mercredi après-midi les canetons seront exfiltrés de l’exploitation. Dans un premier temps, ils seront confiés à une poignée de personnes pendant les trois premières semaines, semaines les plus délicates. Ce n’est qu’ensuite que les adoptants pourront les accueillir.

Pour les autorités, l’initiative d’ELB s’apparente à à un jeu de "roulette russe". Pas question pour les services de l’État d’y participer encore moins de les organiser "au regard de" l’importance des enjeux pour l’ensemble de la filière".

Le préfet des Pyrénées-Altantiques menace d’engager des poursuites judiciaires tant à l’encontre du couveur que des clients qui feraient fi des arrêtés pris.