Caroline MALCZUK

Le parcours des victimes de viol, un combat long et pénible

Un homme a été condamné pour viol par la Cour d'assises des Pyrénées Atlantiques, à Pau. Les faits se sont produits lors des Fêtes de Bayonne, en 2014. Il est malheureusement rare que les plaintes pour viol ou tentative de viol aillent jusqu'à la condamnation. Explications avec deux avocates du barreau de Bayonne.

L'affiche alternative des Fêtes de Bayonne de l'association Pour une alternative féministe ! ©PAF! (page Facebook)
L'affiche alternative des Fêtes de Bayonne de l'association Pour une alternative féministe ! ©PAF! (page Facebook)

La semaine dernière, mardi, un homme a été condamné pour viol par la cour d’assises de Pau. Il a écopé de huit ans de réclusion criminelle à l’issue d’un procès qui s’est tenu à huis clos. Les faits se sont produits dans la nuit du 25 au 26 juillet 2014, lors des Fêtes de Bayonne, sous le pont Saint-Esprit. Ce soir là, la victime, une femme originaire de la région parisienne, s’y est endormie. Elle avait alors 19 ans. Un homme, âgé de 29 ans au moment des faits, en a profité pour abuser d’elle.

Les plaintes pour viol, elles sont malheureusement régulières pendant ou à l’issue des fêtes, si ce n’est pas dire qu’il y en a chaque année. Mais il est rare qu’elles aboutissent à une condamnation comme celle-ci. "Il y a souvent des dépôts de plainte mais les plaintes ne tiennent pas" soutient Me Myriam Unal, qui assurait la défense de la victime. Selon elle, il y a plusieurs raisons à cela. La question du consentement notamment, dans le cas où le ou la plaignante est alcoolisé(e), ce qui n’était pas le cas de sa cliente. Mais aussi un laps de temps très long entre la plainte et la condamnation.

"Il faut que la victime soit solide"

Pour maintenir une déposition pendant deux ans et demi, avec plusieurs confrontations avec le violeur ou l’agresseur, "il faut que la victime soit solide" assure l’avocate. Sa confrère, Me Nathalie Pignoux, la soutient dans ce sens. "Le processus est très long, très douloureux." Car au traumatisme, s’ajoute souvent les sentiment de honte et de culpabilité, propres aux victimes de viol ou tentative de viol. "Il n’y a aucune raison pour que la victime aie à se sentir coupable. Cela ne se justifie pas. Mais il y a toujours un sentiment de culpabilité" remarque Me Nathalie Pignoux.

De plus, "c’est un combat" de prouver la véracité des mots des victimes, ajoute Me Unal. Car elle rappelle que les faits se produisent en général dans des coins isolés, sombres, donc sans témoin. C’est alors la parole de la ou du plaignant(e) contre la personne qu’elle ou qu’il accuse. Sans compter qu'identifier son agresseur lors de fêtes qui attirent environ un million de personnes par an peut s'avérer une tâche délicate. Une contrainte de plus sur un parcours juridique déjà pénible.

Prise de conscience

Néanmoins, Me Nathalie constate que l’information auprès des victimes et leur accompagnement s’améliorent. A Bayonne, une permanence téléphonique d’aide aux victimes a été mise en place par une équipe de trente avocats, au 06.22.05.02.35. L’idée est de proposer une écoute, une information, une défense, 24 h sur 24. Sans compter le travail de l’association d’aide aux victimes et celui des centres d’accueil comme le CIDFF, l’association Atherbea, le Planning familial ou le Centre social Sgardian de Saint-Jean-de-Luz où les femmes peuvent trouver des oreilles attentives.

En 2016, l’Etat français a débloqué 127 400 euros pour la prévention des violences faites aux femmes, des violences intrafamiliales et l’aide aux victimes. Le 1 er décembre, la ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes, Laurence Rossignol, a aussi lancé le cinquième plan de mobilisation et de lutte contre les violences faites aux femmes. Preuve d’une prise de conscience réelle au niveau de la plus haute sphère de l'Etat. Il est temps car 84 000 femmes majeures sont victimes de viol ou tentative de viol chaque année dans l’Hexagone. Un chiffre qui stagne.

Ce plan, mis en oeuvre par le département, insiste sur trois objectifs. Dont "déraciner les violences par la lutte contre le sexisme qui banalise la culture des violences et du viol". Il prend alors en compte une réalité. Celle des préjugés à combattre dès le plus jeune âge : "Qu’il s’agisse de violences sexuelles, de violences physiques ou de meurtres conjugaux, les violences faites aux femmes relèvent d’un continuum provoqué par une seule et même idéologie : le sexisme."