Béatrice Molle-Haran

La mission de Mgr Aillet de plus en plus contrariée

Qui connaît un tant soit peu le territoire voit arriver, s’installer et fleurir ça et là des groupes, écoles et communautés fleurant bon l’extrême droite et liés à l’Evêché

Béatrice Molle-Haran
Béatrice Molle-Haran

La démarche des 60 prêtres du Diocèse de Bayonne et de Lescar Oloron écrivant aux plus hautes autorités ecclésiastiques alertant de leur malaise face aux méthodes de l’évêque Mgr Aillet, traditionnaliste revendiqué, intégriste pour d’autres, et du climat entretenu a été rendue publique par le quotidien Sud-Ouest. A la différence de l’ancienne directrice de l’enseignement catholique du Diocèse Maité Irazoqui qui avait signé de son nom en mars 2016 une tribune sur ce sujet et l’avait fait paraître dans Herria, les prêtres signataires parlent pour le moment, du moins à l’extérieur, sous couvert d’anonymat.

Forte de son expérience au sein de l’Eglise, Maité Irazoqui décrivait une Eglise où de nombreux paroissiens erraient d’église en église remplaçés par des laïcs plus conformes et en accord avec les thèses de Mgr Aillet.

Impossible de revenir sur toutes les déclarations clivantes et politiques du prélat tel que le fameux tweet “l’Etat prétend protéger les citoyens contre Daech et s’engage dans une campagne pro-IGV condamnant des innocents à la violence : illisible !” qui avait suscité l’indignation de plusieurs paroissiens ainsi que de la propre ministre de la Santé.

L’Evêque devant ce tollé avait estimé avoir été mal compris fustigeant un certain climat d’intolérance. Ce qui résume le mieux la propension politique de Mgr Aillet fut l’épisode de la Gay Pride de Biarritz en juin 2009 lorsqu’il attaqua le maire de la ville, Didier Borotra, qui osait autoriser cette manifestation. Didier Borotra le renvoya dans les cordes en lui rappelant les lois de la République, dont il était le garant.

Curieusement l’Evêque toujours prompt à communiquer est resté étonnamment silencieux après cette nouvelle que l’on peut qualifier de rebellion même si les prêtres signataires ne demandent pas sa démission, mais plus de transparence et une volonté de dialogue.

Car Mgr Aillet sait pertinemment que le Pays Basque est une terre de mission pour le développement de ses thèses. Avec néanmoins une difficulté : le Pays Basque n’est pas une terre d’extrêmes. Il convient donc d’asséner des déclarations provocantes et de laisser infuser. Tout un art qui a forcément ses limites, et qui encourage l’entrisme forcené pratiqué par Mgr Aillet. Qui connaît un tant soit peu le territoire voit arriver, s’installer et fleurir ça et là des groupes, écoles et communautés fleurant bon l’extrême droite et liés à l’Evêché. Soit. C’est donc à ce défi que la communauté catholique du Pays Basque forte de son passé de tolérance et de bienveillance est confrontée. Sans tomber dans le piège de la radicalité mais en nommant les choses. Mais pas que le communauté catholique ! De nombreux anthropologues traitent généralement la religion comme partie intégrante de la culture sous toutes les latitudes. Au Pays Basque, que l’on soit croyant ou athée, la notion de chrétienté fait forcément partie d’un héritage culturel et collectif. Au nom d’une laïcité bien comprise.

Le talon d’achille de l’Evêque est la liberté d’expression et la parole libre. “N’ayez pas peur !”. Cette injonction revient des centaines de fois dans la Bible, car on le sait la peur est mauvaise conseillère et peut faire le lit des extrémismes de tout poil. Gageons que le Pays Basque ne tombera pas dans le piège.