Bénédicte Saint-André

Julien Bayou : Ce sont les banques qui devraient être sur le banc des accusés

Julien Bayou co-fondateur de “Sauvons les Riches” et de “Jeudi Noir”, porte-parole d’EELV et auteur du livre "Kerviel : une affaire d’Etat, 2 milliards pour la société en général" sera présent à Bayonne vendredi soir. Il interviendra avec le militant Jon Palais lors d'une conférence publique organisé par Bizi ! sur le thème "comment les banques nous dévalisent-elles ?".  Entrevue galvanisante. 

Julien Bayou ©  Eric Coquelin
Julien Bayou © Eric Coquelin

Jon Palais, militant de Bizi! et d’ANV-COP21 sera jugé le 9 janvier pour "vol aggravé", en l'occurrence un vol de chaises lors d'une action symbolique et non violente à la BNP Paribas. Quel est votre regard sur cette affaire ?  

Julien Bayou : C'est choquant. Les voleurs sont les banques qui détournent l'argent public en facilitant l'évasion fiscale. On touche donc à l'absurde là. J'espère que nous serons nombreux à s'indigner de cette mascarade. Il faut absolument soutenir Jon Palais, il risque gros. Il a été arrêté, je l'ai été aussi et j'aurais pu être poursuivi.

Mais au-delà de la solidarité, il dénonce et nous dénonçons avec lui la complicité de vol. Les Panama Leacks ont démontré que la Société Générale a créée plus de mille filiales au Panama pour permettre à ses clients d'échapper à l'impôt. Ce sont les banques qui devraient être sur le banc des accusés.

Eurodad vient de rendre son rapport annuel sur la lutte contre l'évasion fiscale. Il en ressort que le nombre d'accords fiscaux octroyés par les gouvernements européens aux multinationales a triplé entre 2013 et 2015 …

J.B : Pour faire un tel hold-up, il faut bien évidemment avoir des complices. Et la classe politique est complice de cette inégalité devant l'impôt. Elle nous explique que quand une multinationale échappe à l'impôt, c'est pour le bien de l'emploi. Ce n'est pas vrai du tout. Il s'agit d'une concurrence strictement déloyale et destructrice d'emploi. Les libraires par exemple sont en difficulté par rapport à Amazon notamment parce qu'ils ne payent pas le même taux d'impôt. Et plus d'Amazon c'est moins de libraires.

Quelles sont les conséquences de l'évasion fiscale sur l'argent public et donc sur le fonctionnement du pays ?

J.B : L'évasion fiscale c'est moins de service public et une augmentation des impôts et de la dette. Au niveau du service public, il y a de fait moins d’argent pour payer les routes, les trains, les écoles, les magistrats, les infirmiers ou encore les policiers. Nous sommes en Etat d'urgence et ces derniers sont fatigués, ils ne sont pas en nombre suffisant. Nous payons également plus d'impôts. L’évasion fiscale coûte 1 635 euros par an à chaque contribuable français. Et comme certains individus ou entreprises ne paient pas leur juste part, alors l'Etat emprunte et la dette augmente. Et elle n'est jamais qu'un impôt qu'on transfère à nos enfants.

Vous appelez les citoyens à se mobiliser. Mais face à l'opacité de la finance, nombreux sont ceux à avoir un sentiment d'impuissance…

J.B : En réalité, nous n'avons jamais été aussi informés de cet état de fait. La question que va poser Jon Palais vendredi est 'comment les banques nous dévalisent-elles ?'. Et j'ai envie de répondre à découvert. Elles ne se cachent même pas, c'est assez fascinant. On sait, grâce aux députés écologistes, combien elles font de bénéfices par pays et avec combien de masse salariale. L'employé en Irlande réalise 14 fois plus de bénéfices que l'employé en France. Par un jeu d'écriture, l'argent est envoyé là-bas. La BNP et la Société générale logent respectivement 31 et 34 % de leurs bénéfices dans des pays considérés comme des paradis fiscaux. La situation est telle parce que nous avons décidé de ne pas nous en occuper.

Par quelles actions concrètes ?

J.B : Au niveau individuel, en changeant de banque. Il y a trois banques qui n'ont pas de filiale dans les paradis fiscaux. La Banque postale, le Crédit coopératif (qui fait partie de la Banque populaire qui elle en a) et la NEF (Nouvelle économie fraternelle) qui est en train de devenir une banque éthique à part entière. Avec ces trois- là, vous avez la certitude que votre argent ne va pas servir le trafic de drogue, le trafic d'êtres humains, ou le football…

Collectivement, il faut soutenir les actions d'Attac, Sherpa, Bizi ! et exercer son devoir civique. On ne peut pas se contenter de voter tous les cinq ans pour le moins pire. A faire cela on se retrouve avec du médiocre. Je pense à Michel Sapin qui refuse la taxe Tobin, Nicolas Sarkozy qui avait sorti le Panama de la liste des paradis fiscaux. Il faut voter pour un candidat qui met l'égalité devant l'impôt et donc la lutte contre l'évasion fiscale au cœur de son projet.

Comme Europe Ecologie- Les Verts par exemple …

J.B : C'est à chaque citoyen de se positionner par rapport à cela et le but n'est pas de donner des noms ! L'idée c'est de demander à ceux qui se présentent devant nos suffrages comment ils comptent faire pour financer toutes leurs promesses. Et quand quelqu'un ne met pas la lutte contre l'évasion fiscale au cœur de son programme, vous pouvez être sûr que sa promesse ne tiendra pas.

Par ailleurs, la citoyenneté ne se résume pas au vote. Il faut interpeller le président, les ministres, les députés tout le mandat durant. Le politique est le citoyen et l'élu est son représentant. Ils sont des salariés à qui on file un CDD. Nous sommes les patrons. Donc les élus doivent agir comme on les a mandatés pour le faire. Et s'ils choisissent de voter différemment, ils doivent s'en justifier. Il nous faut reprendre la main, nous sommes les décideurs et depuis quelques années les élus se sont un peu trompés sur ce point et nous ont trompés au passage.

Ironie du sort, tandis que nous parlons, Cahuzac a été condamné à trois ans ferme pour fraude fiscale…

J.B : Pour une fois ..!

La conférence a lieu à 19 heures, 20 rue des Cordeliers à Bayonne. Elle sera suivie d'une soirée "Paradis fiscal" en soutien au militant Jon Palais à 21 heures au Sankara et à 23 heures au Patxoki.