Bénédicte Saint-André

"Le nouveau cadre légal rend quasi-impossible la libération conditionnelle des détenus basques"

Clara Rouget Aranibar est avocate des détenus du Collectif des prisonniers politiques basques depuis septembre 2014. Elle revient sur l'évolution de ces dernières années concernant les demandes de libération conditionnelle. Et pointe un blocage systématique depuis 2015.

Clara Rouget © Isabelle Miquelestorena
Clara Rouget © Isabelle Miquelestorena

Avez-vous constaté une évolution sur les libérations conditionnelles accordées aux détenus basques ces dernières années ? 

Je dirais que nous ressentons clairement un blocage depuis maintenant deux ans. Pour prendre des chiffres, entre 2004 et 2010, huit demandes ont été déposées, cinq acceptées. En 2011, cinq demandes ont été rejetées. Deux demandes avaient été acceptées par le juge d'application des peines mais rejetées ensuite par la chambre d'application des peines qui se prononce après un appel. En 2012, une demande a été acceptée, une rejetée. En 2013, deux acceptées, deux rejetées. En 2014, une acceptée et deux rejetées. En 2015, neuf demandes ont été déposées et seule celle de Lorentxa Guimon a été acceptée. C'était une demande assez particulière puisque basée sur un état de santé très préoccupant.

Quelle est la position du parquet ? 

Le parquet a toujours systématiquement fait appel. On aurait pu penser qu'à partir de 2011 et l'arrêt définitif de la lutte armée par ETA, cette position allait changer. Mais, il justifie le maintien de sa position par la non restitution des armes de la part de l'organisation ETA. Et ce alors que l'arrêt de l'activité armée est irréversible et que personne ne conteste ni son arrêt ni son irréversibilité. Et la Chambre d'application des peines reprend automatiquement à son actif l'argumentaire du parquet sur le risque possible de récidive.

La position du parquet est-elle à relier selon vous à celle de la Chancellerie ? 

Je ne peux répondre à cette question, n’ayant pas d’élément à ce niveau.

Raymond Kendall, dans une interview accordée à MEDIABASK estime que la Chancellerie serait ouverte au dialogue dans le cadre du processus de paix. Se pourrait-il qu'une ouverture éventuelle ne se voit pas encore dans le cadre des libérations conditionnelles ? 

Cela ne peut être exclu. 

L'attitude du parquet et des juridictions est-elle identique pour l'ensemble des détenus condamnés pour terrorisme ?  

Je n’ai pas d’élément pour répondre à cette question. La seule chose que je puisse dire est que les juridictions compétentes en matière d’application des peines en charge des personnes condamnées pour terrorisme sont centralisées sur Paris. Le juge d’application des peines compétent en matière de terrorisme (JAPAT) a été auditionné par une commission d’enquête parlementaire en avril 2016. Il justifiait la centralisation de ces juridictions à Paris dans le but d’aboutir à une jurisprudence unifiée et à un traitement plus homogène des situations pénales des condamnés. En outre, il soulevait que face à des demandes solides, il était difficile de trouver des arguments juridiques pour les écarter. Et donc formulait le souhait de la mise en œuvre de critères plus stricts afin de pouvoir plus facilement les rejeter.

Pour l'heure, vous expliquez que les libérations conditionnelles se complexifient encore d'avantage…

Dans le contexte d'attentats djihadistes commis sur le sol français, et la frénésie du tout sécuritaire qui a suivi, de nouvelles lois anti-terroristes ont été votées et durcissent encore plus les possibilités de libérations conditionnelles pour les personnes condamnées pour des infractions à caractère terroriste.

Les détenus vont désormais devoir faire l'objet d'une évaluation psychiatrique systématique pluridisciplinaire destinée à évaluer leur niveau de dangerosité. Se rajoute une mesure probatoire d'un à trois ans par le biais de la semi-liberté, d'un placement à l'extérieur ou de la pose d'un bracelet électronique avant de pouvoir accéder à la libération conditionnelle. Ces nouvelles dispositions ont pour résultat de rendre quasi-impossible l’octroi des libérations conditionnelles dans le cadre des affaires concernant des personnes ayant été condamnées pour leur appartenance à l’organisation ETA.