Bénédicte Saint-André

Un nouveau mandat d’arrêt européen contre le processus de paix

Le 6 octobre prochain, cinq ans après la déclaration d’Aiete, Emilie Martin se verra notifier son mandat d’arrêt européen à Pau. Preuve supplémentaire du non engagement des Etats dans le processus de paix.

Emilie Martin aux côtés de Christophe Desprez de la Ligue des droits de l'Homme © Bob Edme
Emilie Martin aux côtés de Christophe Desprez de la Ligue des droits de l'Homme © Bob Edme

Emilie Martin n’a pas passé la frontière depuis plus de dix ans. La jeune femme, sœur d’Aurore Martin, est aujourd’hui porte-parole du collectif Bagoaz pour la défense des prisonniers basques dans le cadre de la résolution du conflit. Elle fut aussi celle d’Herrira, association engagée dans la même cause et dont les statuts ont été déposés en toute légalité à la sous-préfecture de Bayonne en 2012, un an après qu’ETA annonce l’arrêt définitif de la lutte armée.

Mise en cause pour ses activités au sein d'Herrira au Pays Basque Nord, Emilie Martin, de nationalité française, n’a pas donné suite à la convocation du juge Eloy Velasco à Madrid. C’était le 5 novembre 2013. Le 22 avril 2016, Madrid a alors transmis à Paris un mandat d’arrêt européen à son encontre. Le 6 octobre prochain, il lui sera notifié au tribunal de Pau. L’audience devrait se tenir la semaine suivante, a priori le 11 octobre. Elle risque là d'être remise à l'Espagne et des années de prison.

Mais la jeune femme n’est pas un cas isolé. Elle fait partie d’un vaste dossier dans lequel 46 autres Basques -tous de nationalité espagnole- sont poursuivis. Ceux que le juge espagnol nomme le "front des prisons" d'ETA. Un front pour tout autant de visages, parmi lesquels celui de l’avocate Arantxa Zulueta incarcérée depuis plus de trois ans, maintenue en isolement total.

Le procès de l'"inacceptable" 

Les vagues d’arrestations sur ce dossier ont commencé en 2013 au Pays Basque Sud, dans la lignée du "tout est ETA" du juge Garzon. L'activité d'Herrira fut là-bas suspendue durant deux ans, sans que la structure soit illégalisée pour autant. Ses locaux furent mis sous scellés, ses membres arrêtés, puis libérés sous caution. Même chose ensuite pour des avocats, médecins et familles de prisonniers.

Aujourd’hui, c’est ce procès de l’"inacceptable" - dont la date n’est pas encore fixée ni le nombre d’accusés définitif- qu’Emilie Martin condamne. Soutenue en ce sens par plus d’une vingtaine d’associations ou formations politiques*. Car comme pour sa sœur avant elle, cette affaire est emblématique. Celle d’un acharnement qui ne cache pas son nom. Qui s’absout du processus de paix, du droit des prisonniers, et de la liberté d’opinion.

Ces structures qui défendent la voie du dialogue organisent une mobilisation le 10 octobre 2016 à 18h30 devant la sous-préfecture de Bayonne. Exigent la non application du mandat d’arrêt, la libération d’Arantxa Zulueta et la fin des poursuites pour toutes les personnes mises en examen dans cette affaire. Et appellent inlassablement au respect du droit, à la fin de la dispersion et à la libération des prisonniers malades et conditionnables.

* Ligue des droits de l'Homme, Bake Bidea, Cimade, Ensemble, Bizi, Etxerat, Comité pour la défense des droits de l'homme au Pays Basque, LAB, ELB, EHZ, aitzina, EELV, EH Bai, Abertzaleen Batasuna, Sortu, NPA Pays Basque, Indar Beltza, Emazteek diote, PAF, Collectif contre les violences sexistes,